11.11.05

Zarqaoui, nouveau chef du terrorisme islamiste

La condamnation des attentats est unanime en Jordanie, où un deuil national a été décrété.
Patrick Saint-Paul
[Le Figaro, 11 novembre 2005]

Malgré sa proximité avec l'Irak, la Jordanie avait été jusqu'alors épargnée par les attentats, mais les autorités mettaient en garde depuis longtemps contre le risque d'attaques terroristes. En avril 2004, Amman a annoncé avoir déjoué un attentat à l'arme chimique contre le siège des services de renseignement, les bureaux du premier ministre et l'ambassade américaine. Si elle avait réussi, cette attaque aurait fait 80 000 morts, selon une estimation officielle. «Les Jordaniens ont permis aux Américains d'utiliser leur pays comme poste avancé dans la guerre mondiale contre le terrorisme», juge un ancien ministre jordanien.
Les missions diplomatiques, où la protection policière a été renforcée, sont restées fermées, hier, alors que la Jordanie a rouvert ses frontières terrestres, fermées après les attaques. Mais des mesures de sécurité draconiennes ont été prises aux frontières et dans les aéroports. Les routes du pays sont hérissées de barrages, où les véhicules sont fouillés. Et la sécurité a été renforcée autour des hôtels. La sûreté générale a annoncé avoir arrêté plusieurs suspects en relation avec les attentats. Abdallah II a promis de punir les responsables des attaques. Il s'est dit «certain que les services de sécurité jordaniens pourront mettre la main sur les bandes terroristes et dévoiler leurs plans, qui visent à porter atteinte à la sécurité de la Jordanie et à effrayer sa population».
SEULE LA GUIRLANDE de fleurs blanches surmontant l'estrade, qui devait accueillir les mariés, est restée accrochée. La moquette de la salle de bal de l'hôtel Radisson d'Amman, frappé mercredi soir par les terroristes, est maculée de sang, de débris humains et de touffes de cheveux. L'explosion a fait voler tables, couteaux et fourchettes, transformés en armes meurtrières. Les murs sont criblés d'éclats, le plafond s'est effondré. Une forte odeur d'alcool imprègne les lieux, toutes les bouteilles et les verres ayant été brisés.
Les 250 convives auront à peine eu le temps de contempler les mariés. Le kamikaze a déclenché sa ceinture d'explosifs au moment où le couple, accompagné par des tambourins et de la musique orientale, s'apprêtait à traverser la haie d'honneur formée par les deux familles et leurs invités. «Un silence assourdissant a suivi la déflagration, raconte le directeur adjoint de l'établissement, Bassam Banna. Puis sont venus les cris, les voix des invités inquiets appelant leurs proches par leurs prénoms.»
Ashraf Akraf, le jeune marié, qui a perdu son père et son beau-père dans l'attaque, est révolté par les «terroristes qui se cachent derrière un alibi religieux». «Ceci n'est pas l'islam, dénonce-t-il. Les musulmans ne se tuent pas entre eux. Ces actes ne font pas partie d'une lutte contre l'oppression dans le monde. C'est un crime.» La police interdisait toujours l'accès à l'hôtel, hier, pendant que les équipes d'enquêteurs rassemblaient des indices.
D'une ampleur sans précédent, les attaques ont frappé à quelques minutes d'intervalle, vers 21 heures mercredi soir, les hôtels Radisson SAS, Grand Hyatt, distants d'un kilomètre, et Days Inn, particulièrement prisés des touristes occidentaux et israéliens. Les hôtels de la capitale jordanienne sont devenus la base arrière des journalistes et des diplomates occidentaux travaillant en Irak, ainsi que des officiels irakiens, cibles de choix de Moussab Zarqaoui. «On ne peut pas dire que ces attentats étaient dirigés contre des Israéliens ou des Occidentaux, s'emporte une responsable de l'hôtel Hyatt. Nos clients viennent de partout : Arabie saoudite, Palestine, Jordanie, Europe, Israël. Il faut cesser de s'imaginer que l'Islam est en guerre contre l'Occident.»
Al-Qaida considère la Jordanie, alliée des Etats-Unis dans la région et qui a signé un accord de paix avec Israël en 1994, comme une «base militaire arrière des armées des Croisés». L'organisation a promis de nouvelles attaques pour «anéantir» le royaume d'Abdallah II. A Amman et dans toutes les grandes villes du royaume, des milliers de personnes ont manifesté, hier, leur rejet du terrorisme et leur soutien au roi. Les manifestants ont sillonné les principales artères des villes jordaniennes à l'appel des partis, syndicats et municipalités, pour dénoncer al-Qaida et le chef de sa branche irakienne, le Jordanien Moussab al-Zarqaoui. Les voitures sont ornées du drapeau jordanien et de portraits géants d'Abdallah II. «C'est un jour noir pour la Jordanie et les travailleurs. Nous sommes venus dire que nous sommes en colère contre les terroristes, affirme Ibrahim al-Kaïsi, chef du syndicat des chauffeurs de taxis. Le royaume survivra à cette épreuve.»
Les ministères, les écoles et tous les établissements publics étaient fermés dans le pays, où un «deuil national» a été décrété. La condamnation est unanime. Le principal parti islamiste jordanien, qui refuse de condamner les attentats contre des civils en Israël, a condamné fermement les attentats d'Amman.
«Quels que soient le parti ou les motifs derrière ce crime, rien ne peut le justifier. Il cible des innocents», a dit le Front d'action islamique dans un communiqué.
Malgré sa proximité avec l'Irak, la Jordanie avait été jusqu'alors épargnée par les attentats, mais les autorités mettaient en garde depuis longtemps contre le risque d'attaques terroristes. En avril 2004, Amman a annoncé avoir déjoué un attentat à l'arme chimique contre le siège des services de renseignement, les bureaux du premier ministre et l'ambassade américaine. Si elle avait réussi, cette attaque aurait fait 80 000 morts, selon une estimation officielle. «Les Jordaniens ont permis aux Américains d'utiliser leur pays comme poste avancé dans la guerre mondiale contre le terrorisme», juge un ancien ministre jordanien.
Les missions diplomatiques, où la protection policière a été renforcée, sont restées fermées, hier, alors que la Jordanie a rouvert ses frontières terrestres, fermées après les attaques. Mais des mesures de sécurité draconiennes ont été prises aux frontières et dans les aéroports. Les routes du pays sont hérissées de barrages, où les véhicules sont fouillés. Et la sécurité a été renforcée autour des hôtels. La sûreté générale a annoncé avoir déjà arrêté plusieurs suspects en relation avec les attentats. Abdallah II a promis de punir les responsables des attaques. Il s'est dit «certain que les services de sécurité jordaniens pourront mettre la main sur les bandes terroristes et dévoiler leurs plans, qui visent à porter atteinte à la sécurité de la Jordanie et à effrayer sa population».

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