7.12.05

Bush mal noté sur la prévention du risque terroriste

La commission d'enquête sur le 11 Septembre dresse un bilan critique de la mise en oeuvre de ses recommandations pour prévenir une nouvelle attaque.
De notre correspondant à Washington Philippe Gélie

[Le Figaro, 06 décembre 2005]

C’est la dernière salve, mais elle fait encore du bruit. Dix-huit mois après avoir rendu un rapport de 570 pages devenu un best-seller, la commission d’enquête indépendante sur les attentats du 11 septembre 2001 a publié hier un «bulletin de notes» qui renvoie l’Administration Bush et le Congrès américain à leur études.
En matière de prévention du risque terroriste, les dirigeants américains méritent «plus de F que de A», l’échelle de notation dans les écoles du pays. «Nous sommes convaincus que les terroristes frapperont de nouveau, a expliqué Thomas Kean, président du panel indépendant. S’ils le font, et si nous n’avons pas mis en œuvre ces recommandations qui auraient pu l’empêcher, quelles seront nos excuses ?», a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à Washington. Ses neuf collègues, membres d’une commission indépendante composée à égalité de républicains et de démocrates, ont approuvé à l’unanimité le rapport de suivi publié hier. En juillet 2004, ils avaient émis 41 suggestions centrales et s’étaient engagés à ce qu’elles ne restent pas lettre morte. Prolongeant leur mandat parlementaire via une association financée sur fonds privés, ils ont contrôlé les progrès de l’Administration. Le signal d’alarme tiré hier est le dernier avant le sabordage du «9/11 Public Discourse Project».
Il ne dresse pas un tableau entièrement négatif mais pointe du doigt certaines réformes élémentaires toujours dans les limbes. Plus de quatre ans après les attaques contre le World Trade Center et le Pentagone, la police, les pompiers et les services de santé en première ligne en cas d’attentat ne disposent toujours pas d’une bande de fréquence commune pour leurs communications radio. Il n’existe pas de chaîne de commandement claire en cas de catastrophe, comme l’a montré la réaction désordonnée à l’ouragan Katrina. L’agence de sécurité des transports (TSA) n’a pas encore consolidé les banques de données de passagers aériens en une liste unique de «suspects de terrorisme». Le Congrès continue à allouer les fonds au titre de la sécurité du territoire (8 milliards de dollars jusqu’ici) sur une base de répartition politique, sans évaluation des risques - si bien que le Wyoming reçoit plus par habitant que New York.
Au chapitre des bons points, une vaste réforme du renseignement a été engagée, avec la création d’un poste de directeur national du renseignement confié à John Negroponte, qui chapeaute désormais la quinzaine d’agences d’espionnage américaines. «Nous avons abattu les cloisons légales, souligne la commissionnaire Jamie Gorelick, mais la culture empêche toujours les échanges de renseignements dont nous avons besoin.» La lutte contre le financement du terrorisme reçoit une bonne note et le Congrès semble sur le point d’améliorer son score en réservant une bande de fréquence aux catastrophes et en réformant le mode de répartition des fonds fédéraux. Mais trop peu est fait à l’échelon international pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive, met en garde Lee Hamilton, le vice-président du panel. «C’est la plus grande menace sur le peuple américain», a-t-il dit hier. «Nous avons vu que Ben Laden aime faire des choses spectaculaires», rappelle le commissionnaire Tim Roemer.
Dans l’ensemble, les membres de la commission, qui font autorité depuis leur révélation de la saga du 11 septembre, estiment que «l’ennemi apprend et s’adapte, alors que notre gouvernement avance toujours au ralenti.» Les responsables de l’Administration voient plutôt le verre à moitié plein et blâment les parlementaires. Selon Steve Hadley, conseiller à la sécurité nationale, l’Amérique est «plus en sécurité, mais pas encore à l’abri.»

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