29.12.05

L’insaisissable Bernard Planche

Il pourrait être un personnage de John Le Carre, « constant jardinier » ou autre « tailleur de Panama ». Son histoire semble, en effet sortie, tout droit d’un livre du maître de l’espionnage romancier britannique. Toute sa biographie respire la couverture des services de renseignement. Bernard Planche a été enlevé le 5 décembre dernier par un groupe islamiste inconnu, le « bataillon de la vigie pour l’Irak », et est maintenant menacé de mort si la France « ne mettait pas fin à sa présence illégitime en Irak ». Mais voilà, le ministère français des Affaires étrangères, comme l’ambassade de France à Bagdad, refuse de commenter le genre de travail que cet homme et son organisation non gouvernementale AACCESS font en Irak.
Les statuts de cette association, domiciliée au 134, rue d’Alma à Villefranche-sur-Saône, ont été déposé en octobre 2004 à la sous-préfecture de Villefranche-sur-Saône. Le sigle correspond à une organisation non gouvernementale américaine, l’Arab American Community Center for Economic and Social Services, qui dit ne pas le connaître. Son siège a Bagdad, où il vit sans protection et, apparemment, sans véritables moyens d’action, s’appelle AAGGESTAR. Bernard Planche participe à une réunion du Water and Sanitation Sector Coordinator de l’United Nations Assistance Mission in Irak (UNAMI), le 2 février 2005 à Amman, en Jordanie, avec des représentants de sept autres ONG. Selon un compte rendu du 17 mars 2005 qui n’est plus consultable sur Internet, mais cité par Le New York Times du 6 décembre et repris par quelques médias, dont Le Monde du 21 décembre, il évoque « deux petits projets de réhabilitation avec des fonds de l’armée américaine », mais dit avoir besoin d’autres projets pour continuer un travail viable en Irak. Le numéro de téléphone portable qu’il donne pour coordonnées d’AACCESS sonne à l’ambassade de France, où l’on déclare ne pas le connaître…
Bernard Planche est né le 12 mars 1953, à Clermont-Ferrand. Il a connu une enfance brisée en étant confié très jeune à une famille d’accueil à Gelles (Puy-de-Dôme), de 3 à 6 ans. Avec ses deux frères, il est alors élève au collège dans cette localité au climat montagneux, avant de rejoindre le lycée Paul-Constans, à Montluçon (Allier). Dans cette école nationale d’enseignement technique, il obtient un brevet d’études supérieures (BEP). Mais à part la naissance de sa fille Isabelle, à Paris, en 1982, on ne sait pas grand-chose de lui jusqu’en juin 1988.
Le 5 septembre 1988, il fonde Airwest Affair Atlas Aviation (4A), sise 15B rue du Docteur Schweitzer, à 50470 La Glacerie (http://siren347928087.societes.org/). La déclaration B 347 928 087 au registre du commerce et des sociétés de Cherbourg précise qu’elle couvre « toutes activités liées au domaine aéronautique : entretien, études, construction, location de matériel... ». En décembre, s’ajoutent les activités de « transports de passagers, promenades aériennes, écoles de pilotage ». Bureau d’ingénierie et compagnie privée, comme la Delta Airlines qui embauche les pilotes de chasse Michel Tanguy et Ernest Laverdure, 4A aurait travaillé pour différents chantiers de Cherbourg, dont un de la Cogema. Selon un ancien administrateur de cette société, assureur à la retraite, Bernard Planche avait « décidé tout lui-même. Tout était cloisonné, et le fondateur de la société ne disait pas grand-chose de ses affaires ». Elles ont été « mise[s] en sommeil depuis le 31 décembre 1990 », selon le registre du commerce.
En 1991, Bernard Planche arrive dans le département du Rhône. Il réside brièvement à Montagny, puis à Villefranche-sur-Saône, où le voisinage ne le connaît pas. A cette époque, il part travailler à Habshan, aux Emirats arabes unis, pour une « mission de coordination de travaux d’ingénierie sur un complexe gaz ». Il est embauché par la société Cadoil, basée à Nice, avec un contrat de six mois renouvelable signé le 28 février 1994, prolongé jusqu’en avril 1995. Un contentieux l’oppose à ses employeurs et provoque un licenciement dont Bernard Planche conteste les conditions. Ce qui donne lieu à une procédure prud’homale. La cour d’appel de Lyon reconnaîtra, le 27 janvier 2000, l’irrégularité du licenciement. La société Technip, basée à la Défense (Hauts-de-Seine), considérée comme le véritable employeur, doit lui verser des soldes de salaires et d’indemnités, ainsi que 300 000 francs de dommages-intérêts.
Entre 1997 et 2003, Bernard Planche réside à Villeurbanne, dans les tours du quartier de la Perralière, avec sa compagne Marie Jacqueline Marden. On le voit beaucoup circuler, parfois bricoler sa Fiat Croma sur le parking. Entre 1997 et 1998, Bernard Planche suit des cours du soir au Centre national des arts et métiers (CNAM) de Lyon. Selon les responsables, il obtient « une bonne note » dans l’unité management économique et social du cycle ingénieur. Alors qu’il réside toujours à Villeurbanne, son parcours est émaillé d’un détour inattendu à Castenet-Tolosan (Haute-Garonne), 23 Avenue du Lauragais. Il y gère une station service Shell, en créant, le 21 juin 2002, la société AAGEST (http://siren440344216.societes.org/), dans laquelle apparaît, comme à Cherbourg, le nom de sa compagne. L’activité se solde par une liquidation judiciaire, le 14 décembre 2004, suivie d’une interdiction de gérer prononcée le 31 octobre 2005 par le tribunal de commerce de Toulouse, suite à des « factures impayées ».
En 2003, Bernard Planche part habiter à Rillieux-la-Pape, rue de Londres, sa dernière adresse connue. Les voisins évoquent un homme « sympathique et ouvert, sportif ». Discret aussi. Ils parlent d’un « voyageur permanent » sans se douter de ses séjours en Irak pour une mission humanitaire. Pourtant, Bernard Planche s’intéresse depuis plusieurs années à cette région du Proche-Orient. Il a travaillé en Irak pour l’association Solidarités, basée à Paris, spécialisée dans l’aide humanitaire d’urgence. Quelques mois, jusqu’en décembre 2003, avant une rupture de contrat parce qu’il n’aurait pas respecté « les règles de sécurité de l’association ». Lesquelles ?

1 commentaire:

nans a dit…

Excellent article, bravo !