28.12.05

Galileo, enfin...

Alors que l'Europe politique est en panne depuis le lamentable référendum français de ce printemps, alors que l'Europe spatiale piétine depuis l'explosion de son lanceurs, suite à l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, il semblerait que l'Europe technologique, militaire et scientifique avance. Après le rapprochement des marchands d'armes, après le feu vert donné à Iter, ce matin s'ouvre une nouvelle aventure cruciale pour l'avenir. D'aucuns diront qu'avec le lancement de Galileo, l'Europe se hisse enfin au niveau des Etats-Unis pour se doter de son propre système de navigation par satellite. D'autres y verront le résultat de la stratégie européenne des coopérations renforcées.
Toutefois, dans un cas comme dans l'autre, chacun s'accordera pour dire qu'il était temps. Le GPS américain est en situation de monopole mondial depuis vingt ans. Utilisé pour la première fois à grande échelle pendant la guerre du Golfe en 1990, il s'est imposé comme un outil essentiel, tant pour la conduite des armées que pour la vie de tous les jours, depuis la gestion du trafic aérien, routier ou maritime aux télécommunications, à la prospection pétrolière ou à la synchronisation des transactions bancaires. Bientôt, le repérage par satellite sera aussi aisé que l'usage de la roue ou du téléphone. Evidemment, des retombées commerciales et en termes d'emplois sont considérables.
Mais l'important est peut-être ailleurs,également révélé par la guerre du Golfe. Il était inconcevable de dépendre d'une puissance étrangère, aussi amicale fût-elle, pour disposer d'un instrument aussi indispensable. La France avait déjà tiré ses conséquences, en se dotant, et l'Europe avec, d'un système satellitaire d'observation. L'Europe apporte le positionnement, qui complète le dispositif de couverture du monde. D'une certaine mesure, Galileo, comme Iter, d'ailleurs, renoue avec les aventures d'Airbus et d'Ariane, défis industriels que seule l'Europe pouvait rendre possible car il en dépendait de son avenir. Toutes ces choses que les Européens ont oubliés ces dernières années, dans le maquis technocratiques dans lequele ils avaient été plongé, comme Airbus et Ariane d'ailleurs, qui avaient fini par s'y embourber...
Et le lancement de Galileo faillit pour les mêmes raisons être reporté sine die. Il fallut combattre l'opposition initiale des Etats-Unis, qui y voyaient naturellement une remise en cause de leur suprématie stratégique. Après un accord diplomatique sur le partage des fréquences utilisées, les deux systèmes seront compatibles. Pour autant, leurs objections levées, les pressions américaines s'excercèrent sur les partenaires européens les plus atlantistes, Grande-Bretagne et Pays-Bas, sans compter les nouveaux entrants de 2004 (la "Nouvelle Europe" de Rumsfeld), tandis que d'autres, comme l'Allemagne, trouvaient la facture trop élevée.
Finalement, la diplomatie et le bon sens ont prévalu dans un climat plus que tendu à cause de l'Irak. Privée de lanceur, l'Europe a eut recours au soutien logistique de la Russie. Jouant une super-puissance contre l'autre, comme le souhaitait de Gaulle en son temps, Galileo offre à la défense européenne de prendre corops. Il offre aussi aux entreprises les plus performantes du secteur de donner une consistance à l'Europe industrielle, celle qui a permis tant de choses depuis 1950 et, au fond, la seule qui soit vraiment intégrée, puisqu'elle a donné lieu en 1993 à un marché unique. C'est elle qui donna l'impression aux nouveaux entrants que l'Union était le nouvel "eldorado". Déjà Galileo s'affirme comme un instrument de politique étrangère. Il attire déjà les convoitises : la Chine, superpuissance de demain, a voulu participer, de même qu'Israël. Pour l'Europe, c'est la preuve que son rayonnement mondial passe par la maîtrise du GPS.

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