9.12.05

L'énigmatique Bernard Planche, otage en Irak


Paris est toujours sans nouvelles de Bernard Planche, le ressortissant français enlevé lundi à Bagdad. Ses proches gardent le silence.

Thierry Oberlé (avec Audrey Henrion-Poyard à Lyon et Philippe Gélie à Washington)
[09 décembre 2005]

NE PAS faire de bruit pour sortir les otages enlevés en Irak: la famille de Bernard Planche a été invitée à rester discrète. Invités par Florence Aubenas, la journaliste ex-otage, à une remise des prix de l'association Reporters sans frontières mercredi soir à Paris, la fille, Isabelle, le frère et la nièce de l'otage français n'ont pas souhaité s'exprimer publiquement. Mais face au silence justement, naissent toutes sortes d'hypothèses autour de cet homme au visage poupin, né il y a cinquante-deux ans à Clermont-Ferrand.
Son lieu de résidence, modeste, dans un quartier sans âme de Rillieux-la-Pape au nord de Lyon, semble indiquer que Bernard Planche ne vit pas dans l'opulence. Il est domicilié depuis deux ans avec Jocelyne M., dans un F3, au 8e étage d'une tour située au cœur d'une vaste zone d'immeubles datant des années 70. Dans le couloir qui mène à la porte de l'appartement, un puzzle bucolique est suspendu à un clou. Jocelyne M., décrite comme «fluette, entre 40 et 45 ans», a indiqué aux gendarmes de Rillieux ne pas être la compagne de Bernard Planche, mais celle «qui s'occupait de suivre ses papiers». Un simple mot écrit avec application sur un post-it tente d'écarter les indiscrets. «SVP, ne sonnez plus à cette porte, respectez la tranquillité de ceux qui y habitent, merci». La voisine de pallier explique que la «compagne» de Bernard Planche part travailler très tôt en bus le matin et rentre en toute fin d'après-midi.
Peu connu dans le milieu humanitaire, Bernard Planche a travaillé en 2003 durant quelques semaines en Irak pour l'association Solidarités. La collaboration a cessé en raison, selon une mise au point de l'association humanitaire française, d'un non-respect des règles de sécurité. La diplomatie française avait adressé des reproches identiques à Bernard Planche. «Ce ressortissant était connu pour ne pas suivre les conseils de prudence de l'ambassade», explique-t-on au Quai d'Orsay.

Parti à l'aventure

Agé de 52 ans, Bernard Planche serait employé par une organisation non gouvernementale (ONG) appelée AACCESS, en qualité d'ingénieur mécanique spécialisé dans les problèmes de distribution d'eau. Son nom apparaît sur les minutes d'une conférence de l'Unicef à Amman en mars 2005 (Watsan Coordination Meeting). Dans ce document, AACCESS apparaît comme une structure qui «a entamé deux petits projets de réhabilitation avec des fonds de l'armée américaine, mais a encore besoin d'autres projets pour que son travail en Irak devienne viable». Aucune information sur cette ONG n'est disponible en France. Il existe en revanche, à Cleveland dans l'Ohio, une association vouée à l'intégration des immigrants arabes aux Etats-Unis baptisée AACCESS (Arab American Community Center for Economic and Social Services). Interrogé, l'un de ses responsables, Mohammed Awadallah, a déclaré que «ce monsieur (Planche) n'a rien à voir avec» l'organisation.
L'ingénieur aurait monté sa propre structure plus ou moins virtuelle pour décrocher des contrats dans la remise en état des infrastructures irakiennes. Parti à l'aventure en Irak, il vivait, sans protection apparente, à Mansour, un quartier cossu de la capitale irakienne, où est installée la nomenklatura de l'ancien régime plutôt proche de la guérilla. La piste d'un rapt perpétré par un groupe sunnite est ainsi privilégiée. Mais Paris n'a toujours pas connaissance d'une revendication concernant l'enlèvement. «Tous les moyens sont mobilisés pour obtenir la libération de M. Planche, a souligné hier le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Comme toujours dans ce type d'affaire, nous souhaitons nous en tenir, pour des raisons d'efficacité, à une nécessaire discrétion.»
Pendant ce temps à Bagdad, le téléphone portable de Bernard Planche, sans doute recouvré à son domicile après le rapt, reste ouvert et en état de marche. Le Figaro qui a composé hier son numéro est tombé sur un gendarme de l'ambassade de France. Le fonctionnaire a confirmé qu'il s'agissait bien de la ligne de l'otage mais qu'il «n'était pas habilité à communiquer».

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