9.12.05

L'appel à la clémence d'Abou Qatada

Emprisonné en Grande-Bretagne depuis cet été, le sulfureux prédicateur demande dans une vidéo d'épargner les otages en Irak.
Jacques Duplouich
[Le Figaro, 09 décembre 2005]

«J'IMPLORE mes frères de la Brigade des sabres de la vérité de libérer leurs prisonniers, conformément au principe de miséricorde qui guide notre foi.» C'est du fond de sa prison de Full Sutton, dans le Yorkshire, que le salafiste-jihadiste Omar Mohammed Othman, alias Cheik Omar Abou Omar, plus connu sous le nom d'Abou Qatada, s'est adressé, mercredi, aux ravisseurs des quatre pacifistes de l'organisation Christian Peacemaker Teams (CPT), qu'ils menacent de tuer.
L'adresse vidéo aux terroristes, enregistrée dans sa cellule – «à son initiative», soulignent les autorités britanniques –, a été diffusée par les télévisions du Golfe. Lancé par ce Cerbère de la religion musulmane, cet appel à la clémence est tempéré, toutefois, par l'exigence «que nulle obligation religieuse impérative ne s'y oppose».
Jack Straw, le chef de la diplomatie britannique, assure que les otages dont le Britannique Norman Kember, 74 ans, sont d'authentiques «défenseurs de la paix voués au service de leur prochain» et a réitéré l'invite aux «brigadistes» à entrer en contact avec les représentants du Royaume-Uni dans la région.

Le chantre d'un califat mondial

Les kidnappeurs seront-ils sensibles à la supplication d'Abou Qatada ? Rien n'est moins sûr. L'homme sent le soufre, en Occident, où on le tient pour «l'ambassadeur spirituel de Ben Laden en Europe», accusation dont il se défend véhémentement. Dans les milieux islamiques, le «cheik» a perdu de son autorité depuis que ses relations avec le MI5 (le contre-espionnage britannique) ont été rendues publiques par la justice, en 2004.
Né en Jordanie de parents palestiniens, Abou Qatada, aujourd'hui âgé de 44 ans, père de cinq enfants, est entré au Royaume-Uni, en 1993, muni d'un faux passeport des Emirats arabes unis. Condamné à la prison à perpétuité par contumace, en Jordanie, pour des attentats à l'explosif, il obtient le statut de «réfugié», en 1994.
Très rapidement, il s'impose à la mosquée salafiste de Finsbury Park, dans le nord de Londres, comme l'un de ces «prédicateurs de haine» qui attirent les jeunes musulmans en pertes de repères. La police allemande a retrouvé dix-huit cassettes de ses prêches dans l'appartement occupé à Hambourg par Mohammed Atta, le chef de file des terroristes du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis. Abou Qatada, chantre d'un califat mondial, avait justifié les attaques par la nécessité de la lutte «entre les chrétiens et l'Islam». Il considère «acceptable», aussi, «de combattre les juifs» par la violence, «y compris au Royaume-Uni».
En juin et décembre 1996, puis en février 1997, il prend contact avec le MI5 et offre de signaler quiconque dans la mouvance islamiste «voudrait nuire aux intérêts» du royaume, selon les comptes rendus du service. Il assure pourvoir «user de son influence» pour faire en sorte que «le terrorisme épargne les rues de Londres et du reste du Royaume-Uni».
Emprisonné, sans chef d'inculpation, entre 2002 et 2004, mis en liberté surveillée jusqu'en août dernier, Abou Qatada, réclamé par la Jordanie, est détenu depuis lors sous écrou extraditionnel.

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