5.2.06

French connection

La France n'est peut-être pas encore très populaire auprès des Américains, mais les relations ont allègrement repris entre l'Elysée et la Maison-Blanche, qui entretiennent en coulisse une collaboration étroite en matière de politique étrangère s'il faut en croire une surprenante chronique de David Ignatius dans le Wall Street Journal du 1er février 2006. Le quotidien financier rompt avec ses habitudes de railler la France dès que l'occasion se présente et salue cette nouvelle French Connection.
"Une fois toutes les cinq ou six semaines, un conseiller présidentiel français nommé Maurice Gourdault-Montagne s'envole pour Washington afin d'y rencontrer son homologue américain, le conseiller à la Sécurité nationale Stephen Hadley. Ils discutent de longues heures afin de mettre en place une stratégie commune à propos de l'Iran, de la Syrie, du Liban et des autres points chauds du globe. Entre ces voyages, ils se parlent régulièrement au téléphone", rapporte Ignatius.
Washington et Paris ont laissé de côté la guerre des mots qui avait marqué les mois précédant l'invasion de l'Irak, même si certaines blagues ont toujours cours. "La France est peut-être toujours la tête de turc favorite des dirigeants Américains, mais, au cours de ces échanges secrets, Paris est devenu le plus important et le plus efficace des alliés de la Maison-Blanche."
La préparation de la guerre en Irak et les vexations qui l'ont accompagnée ne sont pas étrangères au mode opératoire suivi par les Américains au cours de ces échanges, note le chroniqueur. "L'histoire intrigante de ces canaux de communication secrets témoigne d'un changement majeur dans l'approche des Etats-Unis : meurtrie par la guerre en Irak, l'administration Bush travaille dur pour mener sa politique étrangère avec des alliés internationaux et, lorsque c'est possible, par le biais des Nations unies. Or l'intermédiaire clé des Etats-Unis dans cette quête de consensus international est la France."
Cette stratégie en sous-main a débuté en août 2004, lorsque Paris et Washington menaient des efforts conjoints pour faire appliquer la résolution 1559 de l'ONU demandant le retrait de la Syrie du Liban. "La campagne présidentielle américaine battait alors son plein et les Français cherchaient à s'assurer des voies de sortie. Mais, après l'assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, Washington et Paris se sont mis à collaborer pour amener la Syrie à quitter le Liban. Pour éviter tout débordement du Hezbollah, Gourdault-Montagne s'est rendu secrètement à Téhéran en février 2005 pour demander à la milice chiite de calmer le jeu."
"Le partage des rôles entre Paris et Washington, l'un jouant le bon flic, l'autre le mauvais flic, s'est fait en développant la stratégie à mener concernant la Syrie et l'Iran. Les Américains demandent que le dossier soit porté devant l'ONU, tandis que les Français s'emploient à rallier l'accord des Russes et des Chinois grâce à une position plus souple. Ce ballet diplomatique a sans doute produit des résolutions plus strictes et meilleures que si chacun était monté seul au front. Un exemple de ce compromis nous a encore été donné cette semaine avec le dossier du nucléaire iranien. Le Conseil de sécurité de l'ONU appliquera une procédure accélérée au traitement de ce dossier, mais Téhéran profitera d'un mois supplémentaire pour se plier à toute recommandation formelle. Les Français souhaitent temporiser et maintenir un consensus international à propos de cette question. Le plus surprenant, c'est que les Américains semblent plutôt d'accord."

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