21.2.06

Washington exige un gouvernement d'union à Bagdad

LE MONDE | 21.02.06 | 12h57 • Mis à jour le 21.02.06 | 12h57
BEYROUTH CORRESPONDANTE

es Etats-Unis ne vont pas indéfiniment "continuer à dépenser les ressources du peuple américain pour mettre sur pied des forces (armées et de police irakiennes) dirigées par des gens qui sont sectaires". Ces propos tenus, lundi 20 février, lors d'une conférence de presse par l'ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Zalman Khalilzad, sont une menace à peine voilée, la première du genre, de mettre fin à l'assistance militaire américaine, adressée aux différentes factions politiques du pays.
Visiblement excédé par les querelles entre factions irakiennes pour le partage du gouvernement - qui attend toujours d'être formé après les élections législatives du 15 décembre 2005 -, M. Khalilzad a pratiquement exigé une équipe ministérielle "d'union nationale", qui bénéficie d'un "large soutien" populaire. Les ministères, en particulier ceux de l'intérieur et de la défense, doivent, d'après lui, être confiés à des hommes qui ne soient ni "sectaires", ni "liés à une quelconque milice". Car le problème "fondamental" aujourd'hui est la division du pays sur des bases "sectaires et ethniques", a-t-il souligné.
Il faisait allusion aux divergences qui continuent de séparer Kurdes, chiites et sunnites sur la répartition des portefeuilles et sur le mode de fonctionnement du gouvernement, mais aussi à de graves violations des droits de l'homme. Ces violations ont été mises au jour par l'armée américaine au ministère irakien de l'intérieur, bastion de l'une des deux grandes formations chiites, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII). Fin 2005, les soldats américains ont découvert que des prisonniers sunnites étaient soumis dans ces geôles à des vexations et à la torture. Plus récemment, les sunnites ont fait état de l'existence d'"escadrons de la mort" qui les prennent pour cibles, en se livrant à des enlèvements et à des assassinats et qui relèvent, selon eux, de la Brigade Badr.
Ancien bras armé du CSRII, forte de quelque 20 000 hommes, cette brigade a été constituée en Iran, du temps du régime de Saddam Hussein. Elle est devenue l'Organisation Badr depuis la fin de la guerre contre l'ancien dictateur.
Après avoir récemment arrêté quatre agents de la circulation qui venaient d'enlever un citoyen sunnite avec l'intention de le tuer, les forces américaines se sont plaintes, elles aussi, de l'existence de brigades de tueurs chiites agissant "dans le cadre du ministère de l'intérieur".
Dans un entretien, dimanche, à l'agence britannique Reuters, le chef de l'Organisation Badr, Hadi Al-Amri, désormais député, a démenti l'existence d'"escadrons de la mort" et rejeté sur les forces américaines la responsabilité du chaos. Selon lui, des éléments armés "ont noyauté les forces de sécurité irakiennes et se livrent à des enlèvements et des assassinats" qu'il est difficile de conjurer "en l'absence, a-t-il dit, de coordination entre les ministères de la défense et de l'intérieur (qui en réalité sont à couteaux tirés)". M. Al-Amri a contesté que les sunnites soient la seule cible des tueurs.
Plus nombreux sont, selon lui, les citoyens chiites qui ont été victimes d'enlèvements et de meurtres. "Si les Américains détiennent des preuves que l'Organisation Badr s'est livrée à des assassinats, qu'ils me les présentent et je demanderai personnellement l'arrestation des coupables", a-t-il ajouté.
M. Khalilzad, qui a accusé l'Iran de mener un double jeu dans l'ancienne Mésopotamie, en tenant des propos rassurants au niveau officiel tout en armant des milices, a affirmé que les Etats-Unis n'ont aucune intention d'installer des bases militaires en Irak, ni d'y maintenir indéfiniment leurs 138 000 hommes. "Le succès (du processus de stabilisation) de l'Irak sera un succès pour les Etats-Unis." Même chose pour un éventuel "échec", a-t-il estimé.

Mouna Naïm
BILANS

SEMAINE SANGLANTE. Selon le général Abdel Aziz Mohamed, directeur des opérations du ministère de la défense, il y a eu au total, la semaine du 13 au 20 février, 102 morts et 217 blessés ainsi que 36 autres morts, 26 blessés et 316 interpellations parmi les insurgés. Plus de 110 attaques ont été dénombrées dont 36 contre la Force multinationale, 48 contre les forces irakiennes,26 contre les civils.

BAISSE DE 30 %. Le 6 février, ce même général avait affirmé que, durant la semaine du 30 janvier au 5 février, "les activités terroristes avaient diminué de 30 %" avec 72 civils tués et 174 blessés lors de 91 attaques. 31 terroristes avaient péri. L'ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité chiite d'Irak, a demandé "l'accélération du processus de formation du gouvernement".



Article paru dans l'édition du 22.02.06

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