8.3.06

Livre blanc français antiterrorisme : Les 7 scénarios catastrophes

Jean Chichizola
Le Figaro, 07 mars 2006

Fruit d'un travail interministériel d'un an, le livre blanc sur le terrorisme définit pour la première fois la doctrine française face à une menace «aggravée».
Un exercice de simulation d'attentats terroristes à Lyon, le 13 février, sur le modèle de ceux qui ont frappé Londres en juillet 2005. AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
Né d'un travail de près d'un an réunissant des spécialistes des services de renseignements (DGSE et DST), des ministères des Affaires étrangères et de la Justice et des experts indépendants de la fondation pour la recherche stratégique, le livre blanc dresse le constat de la menace, des scénarios menaçant la France et des améliorations à apporter aux dispositifs antiterroristes.

La France sans cesse menacée depuis 1998

Pour les experts du livre blanc, «le réquisitoire [contre la France] est toujours construit autour des mêmes griefs : passé présenté comme particulièrement lourd (des croisades jusqu'à la colonisation) : présence militaire sur des terres musulmanes (par exemple à Djibouti) ; soutien affirmé aux régimes «apostats», spécialement au Maghreb ; laïcité affichée de l'Etat républicain ; prétention à organiser l'islam selon un modèle national ; détermination des juges et des services français à neutraliser préventivement les terroristes et leurs complices».
Deux nouveaux griefs s'y ajoutent depuis quelques années : la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l'école et la participation des forces françaises aux opérations menées en Afghanistan. Dans ce contexte, le livre blanc souligne que l'Hexagone est directement visé «de manière réitérée par les diverses déclarations de guerre proférées par les porte-parole du terrorisme mondial islamiste».
Depuis le 11 septembre 2001 enfin, «pas moins de huit communiqués ont allongé la liste des appels» à punir notre pays. Dans les seules deux dernières années, Paris a été menacée à deux reprises par le n° 2 d'al-Qaida et par le GSPC (groupe terroriste algérien) sans oublier le patron d'al-Qaida en Irak Abou Moussab al-Zarqaoui, et la presse extrémiste pakistanaise.

Les scénarios étudiés

Le livre blanc prend bien soin de préciser que ces scénarios «ne sont pas des instruments de prédiction de l'avenir», et que plusieurs d'entre eux «sont aujourd'hui peu probables». Le premier scénario, semblable au précédent de 1995, est «la campagne d'attentats à l'explosif» conduit par un groupe terroriste. Etalée sur plusieurs mois, elle viserait des lieux accueillant du public (métro, bus, aéroports, écoles...).
Deuxième danger : «les attentats multiples simultanés», sur le modèle des attentats de Madrid en mars 2004, ou de Londres en juillet 2005. «Les cibles retenues», précise le texte, «sont par exemple de grands centres commerciaux». La troisième hypothèse, celle «d'attentats diversifiés transfrontaliers» unirait trois groupes terroristes frappant dans trois pays des intérêts différents (touchant par exemple un port, une centrale nucléaire et des réseaux informatiques).
Les quatre derniers scénarios englobent une attaque radiologique (explosion d'une bombe sale dans «un réseau souterrain de transport public»), un attentat chimique (dans un lieu de grande affluence), une attaque biologique infectieuse (déclenchant une épidémie durant plusieurs mois) et enfin une tentative de détournement d'une arme nucléaire vers un grand centre urbain.

Un dispositif antiterroriste à améliorer

Le livre blanc lance plusieurs axes de réflexion sur un renforcement de l'arsenal antiterroriste français. Au passage, il estime que «le système judiciaire français donne satisfaction et ne nécessite pas de réforme d'ampleur». La politique de prévention dans les prisons pour endiguer une activité prosélyte créant de nouveaux activistes est mise en avant (les travaux préparatoires de l'automne 2005 évoquaient la ventilation des détenus à travers la France, l'isolement, une cartographie des établissements touchés par l'islamisme, la lutte contre les prières collectives, la formation et le suivi des personnels).
Est aussi abordé le prosélytisme des jeunes, avec une référence explicite à l'école, (augmentation des mesures de réparation et des stages de formation civique à la suite d'actes racistes ou antisémites). Dernier point : la modification des textes législatifs pour mieux «neutraliser les flux d'idées porteuses de haine, de violence ou appelant au terrorisme».

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