23.4.07

Et si Beyrouth s'enflammait à nouveau ?

Craignant un nouvel affrontement confessionnel, les milices libanaises recrutent des partisans et songent à se réarmer. «Cela ne concerne pas l’armement lourd, mais certains responsables ont noué des contacts pour acquérir des armes antichars, destinées au combat de rue», prévient un diplomate occidental à Beyrouth.

Mesurant l’ampleur du danger, le Conseil de sécurité des Nations unies vient d’exprimer sa «sérieuse préoccupation» dans une déclaration publiée le 17 avril à New York. Il s’est alarmé des informations «faisant état de trafics d’armes à la frontière libano-syrienne, en violation de la résolution 1701», résolution qui avait mis fin à la guerre de l’été de 2006 entre le Hezbollah et Israël.

«Le terrain est prêt, affirme Ahmad Fatfat, ancien ministre de l’Intérieur, mais personne pour l’instant n’a intérêt à déclencher une nouvelle guerre civile». Selon ce proche du Premier ministre Fouad Siniora, si «les Libanais achètent des armes individuelles, il est exagéré de parler de réarmement organisé des milices. En revanche, ajoute-t-il, les druzes continuent de s’entraîner, les chrétiens [des Forces libanaises et du général Aoun, NDLR] et la milice chiite Amal aussi, et je ne parle pas du Hezbollah».

Fin janvier dernier, des affrontements meurtriers entre partisans sunnites progouvernementaux et miliciens chiites du Hezbollah ont ravivé la peur d’un conflit fratricide, alors que le Liban est paralysé depuis la démission, fin 2006, des ministres chiites du cabinet Siniora.

Après la guerre civile (1975-1990), les milices avaient rendu leur arsenal, à part le Hezbollah, qui avait tiré argument de sa lutte contre l’occupation israélienne, dans le sud du pays, pour conserver sa puissance de feu. Le désarmement de l’organisation chiite est aujourd’hui réclamé par l’ONU, ainsi que par des responsables libanais.

La formation chiite pro-iranienne, qui a montré sa force face à Tsahal, serait-elle en train de se constituer de nouveaux stocks? La nature des armes interceptées par les douanes dans un camion à Beyrouth-est, début février, soulève des interrogations sur leur utilisation finale. Y figuraient des roquettes Grad de courte portée, déjà utilisées par le Hezbollah face à Tsahal. «Ce qui est plus inquiétant, poursuit le diplomate occidental, c’est qu’il y avait aussi des RPG 29, c’est-à-dire de l’antichar pour fantassins, destiné aux combats de rues.»

Des pièces acheminées clandestinement d’Irak

Le Hezbollah dément «vouloir retourner ses armes contre l’intérieur». Mais, peu après l’incident, son chef, Hassan Nasrallah, mit les points sur les «i» : «Nous n’affirmons pas ne pas avoir d’armes, ( contrairement à) d’autres (qui) disent qu’ils n’ont pas d’armes, alors qu’ils les accumulent et les distribuent.»

À qui pensait le numéro un de la formation chiite ? Les soupçons se portent sur ses rivaux sunnites, qui n’ont jamais eu de milices combattant en leur nom propre pendant la guerre civile. « Nous n’en avons pas besoin, assure A. Fatfat. Quand des heurts ont éclaté à Beyrouth, en deux heures, nous avons reçu 2000 appels téléphoniques de volontaires prêts à venir défendre nos quartiers.»

Entre des partisans armés à titre individuel, à partir de pièces souvent acheminées clandestinement d’Irak, et une milice prête à sortir de l’ombre en cas d’incident, la différence est ténue. Chez les sunnites, ce réarmement s’effectue à travers la couverture de sociétés de sécurité privée. Employant dix mille personnes, une cinquantaine ont vu le jour, après la vague d’attentats qui a ensanglanté le pays depuis l’automne 2004. «Leur licence d’établissement est délivrée par le ministère de l’Intérieur, tenu par un proche de Saad Hariri », explique un responsable d’une de ces firmes.

D’autres sources évoquent également une aide saoudienne aux Forces de sécurité intérieure (FSI), les seules de l’appareil sécuritaire qui soient loyales au camp Hariri. Inquiet de l’influence du Hezbollah, Riyad est en pointe dans la défense de ses coreligionnaires sunnites libanais.

En février, dans une enquête parue dans le New Yorker, le journaliste Seymour Hersh accusait déjà le gouvernement Siniora d’apporter une aide logistique à des groupes radicaux sunnites. Hersh citait un rapport du centre d’études indépendant International Crisis Group (ICG), affirmant que le Mouvement du futur de Saad Hariri avait «versé 48 000 dollars à quatre membres d’un groupe islamiste». Des proches de Saad Hariri ont démenti ces informations. «Nous sommes inquiets, prévient un militaire occidental. Chez les druzes et les chrétiens, ces préparatifs sont encadrés, alors que le recrutement sunnite comprend aussi des djihadistes.»

Selon Ahmad Fatfat, les informations, dont il avait été le premier diffuseur, selon lesquelles les milices libanaises ont repris l’entrainement en vue d’une prochaine guerre civile, ne serait que simples « rumeurs »...

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