18.5.07

La première guerre électronique?

Olivier LEVARD - LCI - 18/05/2007 - 18h33

Imaginez : Vous tentez de vous connecter au site de l'Élysée et à celui de l'Assemblée nationale. Un message d'erreur s'affiche. Celui du PS ou de l'UMP? Idem. Les sites du Monde, de LCI, Libération? Pas de réponse. Votre banque? Aux abonnés absents.

C'est en substance ce qui se passe en Estonie depuis 15 jours. Le petit pays balte, ancienne république de l'URSS, est victime d'une attaque de pirates du Web sans précédent. La nouveauté est que le coupable tout désigné est un Etat : la Russie. C'est du moins ce qu'en pense Tallinn. L'offensive intervient en effet en pleine crise entre les deux pays : l'Estonie vient de déclencher la colère de Moscou en déplaçant un monument à la mémoire des soldats soviétiques.

Cette décision des autorités estoniennes a provoqué une violente réaction du Kremlin, pas vraiment réputée pour sa tendresse envers ses anciennes républiques, contre un pays où la minorité russe représente près de 30% de la population. A la clé, divers procédés d'intimidation "classiques", parmi lesquels un siège de l'ambassade d'Estonie à Moscou par des manifestants, un blocus du commerce et du transport ou encore un appel à la démission du gouvernement. Et peut-être cette offensive électronique inédite.

Un million d'ordinateurs

Dans un premier temps, l'Estonie a directement dénoncé la main de Moscou derrière l'offensive et même des attaques depuis les serveurs du bureau de Vladimir Poutine! Elle affirme maintenant ne pas avoir assez de preuves mais maintient "une possibilité".

Depuis trois semaines, les vagues d'attaques contre les grand sites estoniens se multiplient : pouvoirs politique, médiatique et économique sont visés. Après les banques, tous les sites politiques estoniens majeurs ont été attaqués, comme ceux des grands médias. Le procédé utilisé est une surcharge artificielle des sites dit de "denial of service". Les autorités, qui reprennent progressivement la main sur le Web estonien, estiment déjà le préjudice à des dizaines de millions d'euros pour ce pays parmi les plus connectés du monde. Elles évoquent la mobilisation de plus d'un million d'ordinateurs dans cette attaque.

Les traces de ce "trafic pernicieux" remontent à la Russie, mais également aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil et à d'autres pays, selon l'Estonie. Difficile de savoir si l'attaque est véritablement organisée par les autorités russes ou l'œuvre d'une coalition indépendante de pirates prorusses.

L'Otan en arbitre

Cette guerre électronique "politique", si elle est avérée, n'est pas une première. Les attaques de sites entre Israël et le Hezbollah ou contre le Danemark pendant l'affaire des caricatures de Mahomet avaient déjà fait parler d'elles. Mais c'est la première fois qu'elle oppose deux pays et qu'elle prend une telle ampleur.

L'Estonie, membre de l'Otan, se tourne aujourd'hui vers l'organisation - théoriquement solidaire de toute attaque contre ses membres - pour se défendre. L'Otan vient de lui envoyer ses experts. Côté diplomatique, l'affaire devait être évoquée lors du sommet UE-Russie qui se tient actuellement sur les bords de la Volga, l'Estonie étant également membre de l'Union Européenne. Ce matin, Vladimir Poutine n'a pas commenté directement ces attaques mais accusé l'Estonie de violations "inacceptables" des droits des minorités russes.

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