21.6.07

Le Blackberry blacklisté au sommet de l'Etat

Olivier LEVARD - LCI - 21/06/2007 - 00h56

C'est une simple circulaire comme nos ministères en reçoivent des centaines. Mais elle a la particularité de mettre en rage les hauts fonctionnaires qui les peuplent. Révélée par Le Monde, elle interdirait purement et simplement le Blackberry, l'assistant personnel le plus populaire du monde dans tous le ministères ainsi qu'à l'Elysée et à Matignon. Ce petit bijou High-Tech qui permet d'envoyer et recevoir des mails et accessoirement de téléphoner a conquis huit millions de cadres et décideurs dans toute la planète.

La circulaire du secrétariat général de la défense nationale (SGDN) remonte à dix-huit mois, selon le quotidien "mais elle a dû être renotifiée". Alain Juillet, le Haut responsable chargé de l'intelligence économique dans ce secrétariat affirme en effet au Monde que ces terminaux pâtissent d'un "problème de sécurisation des données". Concrètement, il existerait des "risques d'interception (...) réels" des données dans un contexte de "guerre économique". La circulaire provoque la colère de hauts fonctionnaires déjà accros à la petite "mûre" électronique.

"Informations incorrectes"

A la lecture de cet article, le sang du constructeur canadien n'a fait qu'un tour. La réaction est arrivée ce matin. Dans un communiqué, RIM affirme que "les informations délivrées dans le cadre de l'article du Monde du 20 juin 2007 et citant Alain Juillet au sujet de la NSA (National Security Agency), sont incorrectes". Dans un deuxième temps, il explique que "la NSA n'a pas la capacité de visualiser le contenu d'une communication de données envoyée par le biais des serveurs informatiques BlackBerry. Toutes les communications de données effectuées au travers des serveurs informatiques BlackBerry, qui sont situés au Canada et au Royaume-Uni, sont cryptées et l'origine des emails ne peut ni être tracée ni faire l'objet d'une analyse de contenu".

Plus surprenant, un employé de l'entreprise confirme à LCI.fr que "le MinEFi est un de [ses] clients". En d'autres termes, le ministère de l'Economie et des Finances passerait outre la directive révélée par Le Monde. Sur le site de La Tribune, Christophe Alviset, responsable informatique à Bercy justifie le choix de son ministère : "Les critères ont été la facilité d'usage, la réputation du Blackberry, ainsi que la sécurité de la solution, assurée de bout en bout. A l'époque, les autres solutions en lice nécessitaient des montages plus compliqués et elles n'étaient pas encore très stables ni rodées". On comprend plus facilement la surprise du constructeur canadien de se voir exclu de facto d'un marché qui lui tient à coeur.

"RIM travaille avec la NSA"

Les pouvoirs publics sont un marché important pour RIM au point qu'ils disposent d'une gamme dédiée pour le territoire américain : BlackBerry for Government. Surprise, lorsqu'on jette un œil aux cas pratiques présentant les clients "ravis" par la solution BlackBerry, on trouve entre le ministère de l'Agriculture et celui des Anciens combattants, le Département de la défense américain. Dans la description du service rendu à ce client un peu particulier, cette phrase : "RIM travaille avec la NSA sur la sécurisation des e-mails pour répondre aux exigences de sécurité renforcée du ministère de la Défense". Une collaboration qui va se poursuivre de l'aveu même du constructeur.

Et si c'était cette proximité avec le gouvernement américain et son agence spécialisée dans le cryptage que le gouvernement Français reprocherait en réalité à RIM, sans le dire explicitement? La NSA est en effet chargée de l'écoute sur toute la planète et notamment du très secret système "Echelon" qui a déjà provoqué la polémique par le passé. Les grandes oreilles de la défense américaine - censées notamment suivre les communications des réseaux terroristes - pourraient être détournées dans un but moins avouable de guerre économique. Reste à prouver - au risque de perpétrer une injustice économique - que "l'étroite collaboration" entre RIM et la NSA pourrait consister à rendre des services, disons "sensibles" à l'agence américaine.

L'entourage du Premier ministre François Fillon se défend de toute velléité anti-Blackberry en plaçant tous les assistants personnels portables (PDA) sur un pied d'égalité : "S'agissant des PDA, quels qu'ils soient, il n'y a pas de système garantissant l'absence totale de risque de compromission des informations échangées".

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