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Londres met fin à 38 ans de campagne irlandaise

Londres SÉBASTIEN MARTIN.
Publié le 31 juillet 2007
Actualisé le 31 juillet 2007 : 08h25

Durant ce qui a été le plus long déploiement de l'armée britannique, 763 soldats sont morts.

C'EST le point final de l'un des conflits armés les plus anciens d'Europe. À minuit ce soir, l'armée britannique ne sera plus en Irlande du Nord dans une mission de maintien de l'ordre. Trente-huit ans après son lancement, l'opération « Banner » est officiellement terminée. Cela a été le plus long déploiement de l'histoire des forces armées britanniques. Sur le terrain, le changement va être minime. Les 5 000 soldats encore présents en Irlande du Nord vont rester en poste. Mais leur mission sera désormais la même que celle des autres militaires du Royaume-Uni : ils pourront intervenir en cas « d'extrême désordre public », de catastrophe naturelle et ils pourront être appelés à servir à l'étranger.

Pourtant, le symbole est très fort. Pour le Sinn Féin, le parti républicain, c'est la fin de « l'occupation » britannique. Pour l'armée de Sa Majesté, c'est le point final d'une des pages les plus sanglantes de son histoire moderne : au total, 763 soldats sont morts pendant l'opération « Banner », le dernier, en 1997, d'un tir de sniper. Au plus fort des troubles en 1972, 28 000 hommes étaient sur place. Depuis le premier cessez-le-feu de l'IRA (mouvement paramilitaire républicain) en 1994, et encore plus depuis les accords du Vendredi saint en 1998, la présence de l'armée avait commencé à se faire discrète. Celle-ci disposait de 106 bases différentes en 1994 ; il en reste 10 aujourd'hui. Plus aucun barbelé ou mirador n'est en place à la frontière avec la République d'Irlande.



« Une vraie surprise »

L'absence totale de célébration en dit cependant long sur la sensibilité du sujet. L'armée prend soin de ne surtout pas crier victoire. Pourtant, dans un document confidentiel obtenu en mai par la presse britannique, un général britannique parle « de l'une des rares campagnes victorieuses menée par les forces armées d'un pays développé contre une force irrégulière ». Pour Paul Bew, politologue à la Queen's University de Belfast et proche des unionistes modérés, la victoire de l'armée britannique est une évidence : « Le gouvernement britannique est satisfait de la conclusion de ce conflit. Il ne cherche pas à savoir qui est au pouvoir en Irlande du Nord, mais il veut la paix. C'est réussi. » Séamas Heaney défend un point de vue diamétralement opposé. Ancien membre de l'IRA, poseur d'une bombe dans les années 1970, il est aussi devenu une victime du conflit quand son frère a été tué par un militaire en 1978.

«Les soldats qui ont commis ce meurtre ont été décorés, alors que mon frère a reçu une balle dans le dos, confie-t-il, encore choqué. J'ai demandé des compensations en justice, mais je n'ai jamais eu la moindre chance de remporter mon procès. » Pour lui, l'armée est « une institution organisée en machine à tuer ». Aujourd'hui, Séamas Heaney est membre de l'association Healing Through Remembering, un groupe qui réunit républicains et unionistes pour tenter de cicatriser le passé. Il se félicite de la fin de l'opération « Banner » : « C'est la fin de l'occupation britannique. Mais ce n'est qu'une étape du processus de paix. Il reste encore beaucoup à faire. »

Les divisions entre unionistes et républicains restent encore très profondes sur le terrain. Politiquement cependant, l'Irlande du Nord a accompli d'immense progrès ces derniers mois. Le 8 mai, un gouvernement de coalition historique a vu le jour, réunissant le DUP (parti unioniste radical) et le Sinn Féin. Depuis, l'entente entre les deux partis est étonnamment bonne.

«C'est une vraie surprise, estime Paul Bew. Le gouvernement traverse une véritable lune de miel. » Il avertit cependant qu'aucune décision stratégique n'a pour l'instant été prise. « En 2008, il faudra décider de la dévolution (retour du pouvoir à l'Irlande du Nord, NDLR) de la police et de la justice. C'est une bataille menaçante. »

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