Le livre blanc de la Défense française est enfin paru... deux mois après la date de diffusion originellement prévue. Si nous ne contesterons pas le fait que "l'armée, ça assure la sécurité de la nation, pas l'aménagement du territoire", ni la suprématie réaffirmée du renseignement, sur laquelle nous reviendrons demain, il va s'en dire que nous nous interrogerons sur la réflexion qui présida à sa conception.
Voic les six cas dans lesquels la Commission prévoit une utilisation des moyens de la Défense nationale:
1/Attaques informatiques majeures. Celles-ci sont considérées comme presqu'inéluctables dans les années à venir, y compris en provenance d'acteurs étatiques.
2/Conflits pouvant impliquer l'Alliance atlantique : "Une invasion déclenchant les mécanisme de solidarité de l'Alliance paraît peu probable dans les 15 années à venir. En revanche, dans le cadre d'une affirmation de puissance ou d'intérêts, des pays riverains ou à portée de membres de l'Alliance peuvent être tentés de tester les limites de la solidarité en adoptant des modes de confrontation indirecte: déstabilisation régionale, attaque ponctuelle, menace d'emploi de missiles, campagne terroriste... Quel qu'en soit l'auteur, le risque d'une action limitée débouchant sur une erreur de calcul stratégique impliquant l'Alliance ne peut être négligé."
3/ Pandémies massives à forte létalité : "Sur les 15 ans à venir, l'apparition d'une pandémie est plausible."
4/ Catastrophes naturelles ou technologiques de très grande ampleur : "La récurrence d'événements majeurs et de gravité croissante s'est confirmée ces dernières années. La conjonction d'un accident technologique majeur avec une catastrophe naturelle devient plus probable."
5/Crises possibles dans un DOM. Le principal lieu visé serait le centre spatial de Kourou. En outre, la commission a identifié un risque lié aux flux migratoires à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe.
6/ Engagement de la France dans un conflit régional majeur : " Dans un tel scénario, la décision d'engagement de la France résulterait d'une atteinte directe à des intérêts stratégiques et serait conçue d'emblée dans un cadre multinational. Ce scénario est déterminant pour définir le volume et les capacités d'action des armées (...). Ce scénario ne conduirait pas forcément à une opération massive, unique, mais pourrait se développer en un ensemble d'opérations très diversifiées (de l'évacuation des ressortissants à l'opération de paix en passant par toute la gamme des opérations spéciales ou des frappes ciblées) contribuant à l'action majeure ou la couvrant. Il pourrait nécessiter la sécurisation du trafic maritime dans des zones sensibles (détroits en particulier)".
Enfin, le Livre blanc préconise que les clauses ou conventions relatives aux possibilités d'intervention de la France en vue du maintien de l'ordre intérieur dans certains pays, comme la Côte d'Ivoire, le Gabon et le Togo, soient abrogées.
Depuis l'effondrement du bloc soviétique, entre 1989 et 1991, qui attira toute l'attention des rédacteurs du Livre blanc de 1994, les relations internationales sont en carence de paradigme clair comme le révèle les scénarii de 2007. Il est clair que la France manque de prospective, mais cette myopie touche tous les anciens tenants de l'Occidentalisme. Historiquement, la période dans laquelle nous vivons n'est pas une aberration. Le système westphalien a été emporté par la fureur de 1914, faisant émerger les conditions (montée des totalitarismes) de la Seconde Guerre mondiale et les incohérence du système international qui suivit, plus connu sous le nom de "Guerre froide".
Aujourd'hui, nous voguons sur le sentiment qu'il fait remplacer ce qui vient de disparaître si soudainement et avec si peu d'anticipation. Pas plus que le Reich millénaire, l'empire communiste n'a survécu au XXe siècle. Mais la période actuelle n'a pas d'autre nom qu'"après-guerre froide", quand on n'adopte pas l'appellation américaine de "deuxième guerre froide". Comme si le cycle des deux guerres mondiales en avait engendré un nouveau, fondé sur l'action indirecte... pour l'Occident s'entend.
Dans cette optique, comment interpréter le 11 Septembre 2001 ? Le terrorisme serait-il devenu ce paradigme manquant ? A en croire le président Sarkosy ce matin, il faut croire que oui. Pourtant, il est nécessaire de conserver, comme nous l'apprend d'ailleurs notre expérience de la Guerre froide, une capacité d'analyse objective afin de ne pas sur-interpréter les phénomènes...
17.6.08
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