La gestion « à la Bush », depuis le 11 septembre 2001, de la guerre en Tchétchénie semble avoir atteint ses limites. Le mystère Poutine se serait-il dissipé ? Cet « amour », une fascination plutôt, pour le chef du Kremlin est un travers classique de l’Occident : Gorbatchev et Eltsine avait eu droit aux commentaires élogieux, avant d’être voués aux gémonies, précédant l’oubli médiatique le plus total. Poutine serait-il arrivé dans cette zone d’ombre ? La mort du président indépendantiste tchétchène, Aslan Maskhadov (53 ans), tué le 8 mars par les forces spéciales russes, pourrait le laisser croire.
Les contentieux se multiplient entre la Russie et la Pologne depuis que cette dernière est entrée dans l’Union européenne. L’explication est avant tout d’ordre psychologique : il s’agit de tuer le « père ». Mais elle est également historique, donc politique. La Pologne tend à retrouver sa place de marge agissante qui était la sienne dans l’entre-deux-guerres. Sans vouloir céder à un déterminisme simpliste, on voit ressurgir des comportements irrédentistes semblables à l’époque Pisuldski. Certes, les relations avec l’Allemagne sont apaisées depuis longtemps, mais il reste le contentieux avec la Russie. Il est d’importance, et le revirement du parquet militaire russe sur les documents concernant le massacre de Katyn en 1940, où vingt-deux mille officiers et soldats polonais ont été tués par la police politique de Staline n’est que la partie immergée de l’iceberg.
On assiste actuellement à une relecture de cinquante années d’histoire mondiale. Le cas de la Pologne rejoint celui des pays baltes, également membres de l’Union européenne depuis le 1er mai dernier. Elle a songé, un moment, à imiter l’Estonie et la Lituanie et à boycotter les cérémonies prévues à Moscou le 9 mai pour le 60e anniversaire de la défaite nazie. Après des tergiversations et sous la pression de l’opinion publique, le président Alexandre Kwasniewski a finalement décidé de se rendre aux commémorations.
Mais les relations polono-russes n’en tournent pas moins au dialogue de sourd, quel que soit le caractère stratégique que Varsovie leur accorde. L’issue tragique de la prise d’otages de Beslan (Ossétie du Nord), en septembre 2004, revendiqué par le radical tchétchène Chamil Bassaev, avait déjà donné lieu à une passe d'armes diplomatique entre Moscou et Varsovie. En visite officielle au Kremlin deux semaines après le drame, le président Kwasniewski s’était vu reprocher l’attitude des médias polonais qui avaient expliqué que les racines de cette tragédie se trouvaient dans la façon musclée dont la Russie traite la question tchétchène. Aux yeux de Moscou, il s’agissait d’« une campagne antirusse organisée (…) avec le soutien de nombreux représentants officiels de ce pays ». Trois mois plus tard, Moscou n’a pas du tout apprécié l’empressement polonais à résoudre la crise en Ukraine. Passant outre l'implication de la diplomatie européenne, Vladimir Poutine ironisa sur les objectifs du président Kwasniewski accusé de « vouloir profiter de la crise pour asseoir sa position sur la scène internationale ».
Cette position repose avant tout sur un sentiment de forte hostilité à la Russie, même si les dirigeants polonais font tout pour dépassionner au possible le dialogue. Le discours du président polonais, lors des commémorations d'Auschwitz en janvier dernier, fut particulièrement bienveillant à l’égard du « libérateur » russe : n’avait-il pas pris soin de ne jamais évoquer les quarante-cinq ans de dictature communiste qui suivirent ? Peine perdue. Sans doute Moscou n’est-il pas dupe d’un certain double langage tenu par Varsovie : conciliant dans les rencontres bilatérales et adepte d’un discours de fermeté lorsqu’il s’agit de définir les relations de l’Union européenne avec la Russie. Mais elle ne digère toujours pas les conséquences de l’adhésion de cet ancien féal à l’OTAN en 1999 : des bases américaines vont s’installer à ces frontières directes. Cette menace pour la sécurité intérieure de la Russie n’est pas à prendre dans un sens russo-américain, mais bien russo-polonais. L’ancrage à l’Ouest de Varsovie n’est qu’une conséquence de la disparition du bloc soviétique. Ses velléités politiques, notamment dans les marges de la catholicité, comme au bon vieux temps de l’Empire austro-hongrois, en sont une autre, d’autant plus dangereuse pour Poutine que c’est dans ce conflit qu’il perdra ou conservera le soutien des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord. Et il ne faudra pas compter sur les Polonais pour lui faciliter la tâche.
16.3.05
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