15.3.05

La mobilisation massive de l'opposition libanaise défie le pouvoir pro-syrien

LEMONDE.FR | 14.03.05 | 10h01  •  MIS A JOUR LE 15.03.05 | 08h18

Près d'un million de Libanais ont manifesté, lundi, à Beyrouth pour exiger la vérité sur l'assassinat de Rafic Hariri et réclamer le départ du chef de l'Etat libanais prosyrien, Emile Lahoud. Les manifestants voulaient également montrer la force de l'opposition après les rassemblements prosyriens. Le patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, s'est rendu aux Etats-Unis pour une première rencontre avec le président George W. Bush.
Selon les estimations des médias, près d'un million de Libanais ont défilé, lundi 14 mars, dans le centre-ville de Beyrouth, pour exiger le départ des troupes syriennes et la démission du président prosyrien Emile Lahoud. Des dizaines de milliers de personnes n'ont pu rejoindre le centre de la capitale, dont les artères étaient bloquées par les manifestants.
De mémoire de Libanais, il s'agit du rassemblement le plus important jamais organisé au Liban, qui compte entre 3 et 4 millions d'habitants. Certains médias libanais ont parlé de 1,5 million en comptant les manifestants qui ne sont pas parvenus à rejoindre le centre-ville. Pour la première fois des manifestants sont venus de la plaine de la Bekaa, sous influence syrienne depuis près de 30 ans.
Selon un responsable de la municipalité, Mounib Nassereddine, ce rassemblement est "au moins deux fois et demie plus important" que celui organisé mardi dernier par les alliés de Damas sur la place Riad Solh, également au centre-ville, a-t-il affirmé. La foule couvrait une superficie bien plus importante que celle qui était venue prier avec le pape Jean Paul II il y a cinq ans et qui avait alors été estimée entre 500 000 et 600 000 personnes, selon des journalistes de l'AFP.

LA "VÉRITÉ" SUR LA MORT DE HARIRI

Cette manifestation, à l'appel de l'opposition antisyrienne, conforte et renforce la position de celle-ci qui a rejeté la désignation le 10 mars par M. Lahoud de Omar Karamé pour former un nouveau gouvernement, dix jours après la démission de celui-ci sous la pression de la rue et des opposants.
Les forces de l'opposition continuent de réclamer une enquête indépendante sur l'assassinat de Rafic Hariri. "Vous voulez la vérité sur l'assassinat ? Elle croupit dans les chambres obscures des services de renseignement qui nous gouvernent et que vous êtes en train de balayer", a lancé de la place des Martyrs, noire de monde, le député Marwan Hamadé, lui même blessé lors d'une tentative d'assassinat en 2004. "Ils ont tué Abou Baha (surnom de Hariri) car il gênait leur plan de soumission du Liban", a ajouté M. Hamadé.
Des dizaines d'orateurs, députés et personnalités, se sont succédé, insistant sur l'unité pour un Liban "libre, souverain et indépendant". "Nous jurons par Dieu tout-puissant, musulmans et chrétiens, de rester éternellement uni pour défendre le Liban", a lancé le rédacteur en chef du journal An-Nahar, Gébrane Tueini, repris en chœur par la foule.

LE PRÉSIDENT LIBANAIS DANS LA LIGNE DE MIRE

Des centaines de pancartes ont été brandies par les manifestants demandant le départ du président. "Lahoud quitte avec eux (les Syriens)", lisait-on sur l'une d'elles. L'un des ténors de l'opposition, le député druze Walid Joumblatt, a réclamé à la radio américaine Sawa, le départ de M. Lahoud et des chefs des renseignements "dans le dernier camion syrien" évacuant le Liban. M. Lahoud, de même que le procureur général et les chefs de services de sécurité libanais sont considérés comme les instruments d'une pérennisation de la tutelle syrienne par l'opposition qui réclame aussi un cabinet "impartial" chargé de superviser le retrait syrien total et les législatives prévues avant fin mai.
M. Karamé commence mardi ses consultations avec les blocs parlementaires pour tenter de former un gouvernement d'unité nationale. L'opposition doit lui remettre une liste des exigences devant être remplies avant sa participation éventuelle.
Le chef de l'Eglise maronite et figure de proue de l'opposition chrétienne, Nasrallah Sfeir, s'est rendu aux Etats-Unis pour une première rencontre avec le président George W. Bush. Insistant sur le retrait syrien du Liban, Mgr Sfeir s'est tout récemment déclaré favorable à la formation d'un "gouvernement neutre de transition" pour superviser le scrutin législatif et a réclamé des observateurs internationaux. Il évoquera avec le président américain les modalités du retrait syrien et les perspectives de formation d'un nouveau cabinet.
Le quotidien britannique The Independent affirme, sans citer de source, que la commission d'enquête de l'ONU est sur le point de conclure qu'"il y a eu une tentative de dissimuler des preuves au plus haut niveau des services de renseignement syriens et libanais" sur le meurtre de Rafic Hariri.
De sources politiques, on indique toutefois que les autorités libanaises pourraient, après le rassemblement de ce lundi, interdire les manifestations par crainte de débordements violents. Le président Emile Lahoud, allié de Damas, a réclamé ce week-end l'arrêt des rassemblements et exhorté l'opposition à ouvrir un dialogue pour trouver une sortie de crise.

Avec AFP et Reuters

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