Le trafic prospère
New Delhi : Marie-Françoise Calle
[Le Figaro, 23 mai 2005]
Les relations entre le président afghan et la Maison-Blanche traversent décidément une zone de fortes turbulences. Cette fois, c’est Washington qui accuse Hamid Karzaï de lenteur, voire de mauvaise volonté, dans la mise en oeuvre du programme d’éradication de la culture du pavot en Afghanistan.
Encore une révélation du New York Times. Le quotidien américain affirme sur son site Internet avoir pris connaissance d’un rapport rédigé à ce sujet par les diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul et destiné à Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine.
Daté du 13 mai, le texte relève que si le programme de lutte contre l’opium, financé par les Etats-Unis, s’est révélé jusqu’à présent plutôt inefficace, c’est en grande partie en raison du peu d’empressement des responsables afghans à en assurer le suivi. «Bien que le président Karzaï ait été parfaitement au courant des difficultés rencontrées dans l’application de ce programme d’éradication, il s’est montré réticent à clairement le soutenir, y compris dans sa propre province de Kandahar», affirme le rapport.
Précisant que les responsables provinciaux et les chefs de village s’opposent souvent à la destruction d’importantes parcelles de cultures de pavot et qu’ils ne sont guère contrecarrés par le gouvernement de Kaboul.
Les Américains répondent-ils ainsi aux critiques de plus en plus vives sur les lenteurs de la reconstruction en Afghanistan ? Trois ans et demi après la chute des talibans, l’économie afghane est toujours en miettes. A l’exception de Kaboul, qui n’est qu’une vitrine de modernité, le pays est loin d’avoir décollé. On dit les Afghans frustrés de cet état de fait. Un boulevard pour les barons de la drogue.
«Le fait que le trafic de la drogue augmente en Afghanistan malgré la présence des troupes américaines et celle d’autres pays occidentaux prouve l’inefficacité du régime de Kaboul et de ceux qui le soutiennent, estime l’éditorialiste Farhan Bokhari. Mais Karzaï ne pourra pas réduire ce trafic tant qu’il n’aura pas lancé une véritable campagne visant à reconstruire l’économie du pays et à fournir des emplois aux plus pauvres.» Pour Bokhari, il s’agit aussi de l’échec de Washington à accompagner ses campagnes militaires, en Afghanistan et en Irak, d’une «véritable réhabilitation économique».
Après avoir été élu président au suffrage universel, en octobre dernier, Karzaï avait pourtant dit haut et fort que l’une de ses priorités serait la lutte contre la drogue. Il voulait en faire un djihad, une guerre sainte. Créant à cet effet, lors de la formation de son gouvernement, en décembre 2004, un portefeuille de ministre de la Lutte contre les stupéfiants. Il avait été confié à Habibullah Qaderi, un Pachtoune chargé des Réfugiés dans le gouvernement sortant. Six mois plus tard, l’opium reste le nerf de l’économie afghane. Le Bureau international de contrôle des narcotiques des Nations unies vient d’indiquer qu’en 2004 la production de l’opium en Afghanistan avait atteint 4 000 tonnes, soit cinq fois plus que l’année précédente.
23.5.05
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