UE Réunion des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles
Bruxelles : de notre correspondante Alexandrine Bouilhet
[Le Figaro, 23 mai 2005]
Alors que l’Otan s’apprête, pour la première fois de son histoire, à mettre un pied sur le continent africain, à l’occasion de la crise du Darfour, l’Union européenne affûte sa stratégie. Réunis aujourd’hui à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq doivent se mettre d’accord sur un paquet de mesures à proposer au nom de l’Union, avant la Conférence des donateurs pour le Darfour, organisée par l’ONU jeudi 25 mai à Addis-Abeba (Ethiopie). Le secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer, s’y rendra, talonné par Javier Solana, le chef de la diplomatie européenne.
Présente sur place depuis six mois, mais peu visible, l’Union européenne ne veut pas se faire voler la vedette par l’Otan, nouvelle venue dans la région. Les Vingt-Cinq, plus gros pourvoyeurs d’aide humanitaire au Darfour (445 millions d’euros depuis 2003), se disent prêts à «apporter tout le soutien possible aux efforts militaires, policiers et civils» de l’Union africaine. Le document non officiel détaillant les mesures envisagées par l’UE, de la planification militaire à la surveillance aérienne, sera discuté par les ministres à Bruxelles.
Cet empressement de l’Europe à aider le Darfour intervient à deux jours de la réunion du Conseil atlantique Nord, organe politique de l’Otan, décidé à donner son feu vert à la première mission de soutien de l’Alliance en Afrique. Poussée par Washington, cette intervention de l’Otan au Soudan, même si elle s’annonce discrète, est une victoire diplomatique de Condoleezza Rice. Très réticente vis-à-vis de ce projet – «l’Otan n’est pas le gendarme du monde», avait dit Michel Barnier –, la France a fini par donner son accord à cette aventure de l’Alliance, renonçant à faire de la tragédie du Darfour un nouveau casus belli avec les Américains. «Se chamailler alors que des hommes et des femmes meurent tous les jours au Darfour aurait été pitoyable», concède un diplomate français.
Le partage des tâches entre l’Union européenne et l’Otan s’annonce, malgré tout, comme un casse-tête. D’autant que c’est l’Union africaine (UA) qui pilotera les opérations depuis son siège à Addis-Abeba. Pour faire passer les effectifs de sa mission de paix au Darfour de 3 200 à 7 600 hommes fin août, l’UA a besoin de l’appui logistique des Occidentaux. Grâce aux avions gros porteurs canadiens et américains, l’Otan devrait monopoliser le transport de troupes africaines. La bataille avec l’Union européenne devrait se jouer entre Américains et Français sur la surveillance aérienne, la France disposant d’une importante base militaire au Tchad voisin. Cette bousculade des organisations internationales au Darfour (UE, Otan, UA, ONU) ne répond pas seulement à l’urgence de la crise humanitaire (2 millions de réfugiés et plus de 180 000 morts, selon l’ONU). Elle exprime aussi les rivalités entre grandes puissances, aussi soucieuses de redorer leur blason en Afrique après le génocide rwandais que de s’assurer les rentes du pétrole soudanais.
23.5.05
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