LE MONDE | 31.05.05 | 14h06 • Mis à jour le 31.05.05 | 14h06
JÉRUSALEM de notre correspondant
La vengeance est mauvaise conseillère. La plus importante affaire d'espionnage industriel jamais découverte en Israël, qui fait les gros titres de la presse depuis le 29 mai, a pour origine une banale querelle de famille.
Après une rupture difficile, un informaticien avait décidé de s'attaquer à distance à l'ordinateur des parents de son ancienne épouse. Surprises de découvrir sur la Toile des documents privés, les victimes, Amnon Jacont et son épouse Varda Raziel, avaient saisi la police de Tel Aviv. Sans se faire trop d'illusions.
L'habileté des officiers de la petite cellule spécialisée dans les délits liés à l'informatique a pourtant permis de remonter jusqu'à la source, Michael Heaphrati, 41 ans, installé en Grande-Bretagne. Et les officiers israéliens ont très vite compris que le harcèlement de ses anciens beaux-parents n'était qu'une activité mineure pour ce "hacker", dont les compétences auraient été surtout utilisées par des officines pour s'introduire dans les systèmes informatiques d'importantes sociétés israéliennes. Pour le profit de leurs concurrentes, désireuses d'en savoir plus sur leurs stratégies.
La singularité de cette affaire tient à la fois à son ampleur et aux caractéristiques des cibles. Si Israël est un haut lieu pour les nouvelles technologies, et si ses industries d'armement sont également réputées, les sociétés touchées par les incursions du "cheval de Troie" qui aurait été mis au point par l'informaticien sont en revanche d'une parfaite banalité, qu'il s'agisse de sociétés importatrices de voitures étrangères ou de photocopieuses, ou bien de l'opérateur d'un bouquet de programmes télévisés. Selon la presse, une vingtaine de personnes auraient déjà été arrêtées par la police, dont l'informaticien indélicat, qui devrait être rapidement extradé.
Elles encourent des peines maximales de cinq années de prison. Au total, une soixantaine d'entreprises pourraient être concernées par cette affaire, dont les ramifications vont jusqu'en Europe et qui a nécessité l'aide d'Interpol. Le secteur des détectives privés pourrait sérieusement pâtir du scandale. Les responsables de trois firmes sont interrogés par la police. La plupart des dirigeants des entreprises prédatrices assurent qu'ils ne savaient pas comment les documents stratégiques mis à leur disposition avaient été collectés, mais cette ligne de défense risque d'être fragile, compte tenu de la masse d'informations obtenues, selon la presse israélienne.
MAUVAIS MOMENT
La découverte de ce vaste système d'espionnage industriel tombe au mauvais moment pour l'économie israélienne, même s'il est encore trop tôt pour mesurer avec précision son impact. Cette dernière avait affiché ces derniers mois des signes prometteurs de reprise, après les récessions qui avaient accompagné les premières années de l'Intifada. Le gouverneur de la Banque d'Israël, Stanley Fischer, a déclaré lundi à la télévision publique que ce scandale "risque d'influer négativement sur les investissements étrangers".
L'affaire coïncide en outre avec la dénonciation régulière, dans la presse, de la corruption qui gagnerait les institutions publiques. Le quotidien Maariv a multiplié les attaques ces dernières semaines, non sans accès de populisme. Le nouveau scandale, qui a alimenté des éditoriaux dévastateurs contre "les patrons qui ont oublié leur morale dans leur limousine", montre que le secteur privé n'est pas à l'abri de dérives.
Gilles Paris
Article paru dans l'édition du 01.06.05
31.5.05
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