20.5.05

Irak : Washington augmente sa pression sur Damas

LE MONDE | 20.05.05 | 12h59  •  Mis à jour le 20.05.05 | 12h59
NEW YORK de notre correspondante

Dans une démarche très coordonnée, les responsables américains ont intensifié depuis une semaine les pressions sur Damas, en même temps que s'achevait, du côté irakien de la frontière syrienne, l'opération "Matador" , une offensive militaire destinée à poursuivre des éléments de la guérilla.
Washington affirme que la Syrie est le principal point de passage des activistes étrangers combattant aux côtés des rebelles irakiens, et estime que Damas est loin de faire l'impossible pour empêcher ces incursions.
La dernière en date des mises en garde est venue, jeudi 19 mai, de Robert Zoellick, le secrétaire d'Etat adjoint. En visite à Bagdad, pour la deuxième fois en cinq semaines, et moins d'une semaine après la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, le responsable a été interrogé sur l'Iran et les inquiétudes que pouvaient éventuellement susciter la rencontre, la veille, du ministre des affaires étrangères iranien, Kamal Kharrazi, avec le premier ministre irakien, le chiite Ibrahim Al-Jafaari. "La plus grande préoccupation concerne la Syrie, a répondu Robert Zoellick. La Syrie doit appuyer les efforts menés face aux menaces de l'insurrection en Irak."
La veille, le chef du commandement central américain (Centcom), le général John Abizaid, avait lui aussi accusé la Syrie de "ne pas faire assez" contre les rebelles irakiens. "Nous savons que certaines activités ont lieu en Syrie, pas en collusion avec le gouvernement syrien, mais que des activités inspirées par les insurgés se passent là-bas" , a-t-il déclaré. Il avait appelé le gouvernement syrien à faire "tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la violence d'être planifiée en Syrie ou de se déplacer vers l'Irak" .
En même temps, un haut responsable militaire américain à Bagdad a affirmé qu'une réunion des lieutenants du chef d'Al-Qaida en Irak, le Jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui, s'était tenue en avril en territoire syrien. D'après ce responsable, cinq réunions du même genre ont eu lieu récemment à l'étranger.
Lors de la réunion en Syrie, "des instructions ont été données pour augmenter le nombre des attentats à la voiture piégée" dans l'ancienne Mésopotamie, a déclaré ce responsable, sous couvert d'anonymat. Interrogé jeudi, le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, a indiqué n'avoir "aucune information" sur cette réunion.

"GUERRE CIVILE"

L'intensification de la rhétorique contre Damas a commencé après la visite surprise, le dimanche 15 mai à Bagdad, de Condoleezza Rice. Estimant que l'insurrection irakienne était soutenue par des "terroristes étrangers" , la secrétaire d'Etat avait indiqué croire qu'"ils se rassemblent sur le territoire syrien et passent la frontière (...). Le manque de volonté -des Syriens- de s'occuper de ceux qui passent leur frontière pour se rendre en Irak est frustrant pour les Irakiens" , avait-elle ajouté.
Les responsables américains se font d'autant plus pressants que la période est difficile en Irak. Confrontés à une recrudescence des attentats-suicides à laquelle ils ne s'attendaient pas - 21 depuis le début du mois, contre 25 pour toute l'année 2004 à Bagdad -, ils continuent à penser que la persévérance finira par payer, alors que la violence a fait plus de 500 morts depuis que le gouvernement, majoritairement chiite, a été constitué le 28 avril.
Pendant que le département d'Etat cherche des progrès du côté de Damas, le Pentagone cache à peine son pessimisme. Intervenant au Sénat, mercredi, le général Abizaid a fait part de sa déception devant le niveau d'entraînement des forces de police irakiennes.
L'expression "guerre civile" , dont les Américains étaient plutôt avares, a fait son apparition dans les médias, renvoyant à plus tard les espoirs d'une diminution prochaine de l'effectif de 138 000 soldats toujours déployés en Irak.

Corine Lesnes
Article paru dans l'édition du 21.05.05

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