LE MONDE | 20.05.05 | 12h59 • Mis à jour le 20.05.05 | 13h24
La Syrie dément catégoriquement les accusations américaines, affirme faire "ce qu'elle peut" et se dit prête à coopérer en matière de sécurité. Mais, avec Washington, c'est un dialogue de sourds qui s'est installé.
Le problème réside dans la frontière entre la Syrie et l'lrak, longue de 620 km, poreuse et désertique, traversée régulièrement par les candidats au djihad et autour de laquelle vivent plusieurs grandes tribus sunnites. "Nous avons commis des erreurs, confiait récemment, à Damas, un responsable syrien. William Burns [le secrétaire d'Etat adjoint américain] nous avait demandé de coopérer pour calmer la situation [en Irak]. Nous avons compris qu'il suffisait de patrouiller et d'installer des équipements de contrôle à la frontière. Nous pensions même en retirer la reconnaissance des Etats-Unis. Mais ce que voulait Burns, c'était que nous agissions sur les tribus sunnites et sur des groupes présents sur notre territoire. La Syrie a en main des cartes en Irak, au Liban et en Palestine. Mais nous refusons d'agir par charité. Cela devait faire l'objet de négociations globales que les Américains ont refusées." En l'absence d'encouragement de la part des Etats-Unis, Damas est convaincu que leur "intention est de l'humilier, voire de provoquer un changement de régime" .
Parallèlement à l'intensification de l'insurrection armée en Irak, les demi-mesures syriennes ont fini par convaincre Washington que Damas n'était pas sérieux. L'arrestation, le 28 février en Irak, de Sibaoui Ibrahim Al-Hassan, le demi-frère de Saddam Hussein, constitue, aux yeux d'un diplomate, le meilleur exemple des"bévues" syriennes. L'intéressé était soupçonné par les Etats-Unis de diriger la rébellion à partir de la Syrie - ce que cette dernière démentait formellement. Il fut capturé deux semaines après l'assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri et, d'après plusieurs sources irakiennes, avec l'aide des autorités syriennes.
"IMPOSSIBLE DE LES CONTRÔLER"
"Si l'intention était de faire preuve de bonne volonté, les Américains ont reçu le message inverse, explique ce diplomate. L'arrestation de cet homme prouvait que Damas détenait des informations, qu'il avait refusé de transmettre, et que le régime ne pliait que sous la pression."
Les services de renseignement kurdes irakiens, qui ont démontré leur efficacité dans la chasse aux baasistes irakiens, assurent qu'il existe une collusion entre ces derniers et des baasistes syriens, et le font savoir à leurs alliés américains. "Le problème n'est pas le transit d'armes, l'Irak en possède déjà plus qu'il n'en faut, confiait récemment Sadi Ahmed Pire, chef de l'Union patriotique kurde (UPK) à Mossoul, dans le nord de l'Irak. Le problème est que les baasistes organisent le mouvement de leurs troupes, notamment de combattants étrangers, dans le désert et à Mossoul, via la Syrie, et qu'ils utilisent la Syrie comme base de repli." Selon lui, le passage est facilité par la puissante tribu Chammar, qui nomadise dans la zone désertique des deux côtés de la frontière. "De tout temps, les Chammar de la région ont vécu des trafics transfrontaliers. Pour y remédier, Saddam Hussein avait tenté, avec plus ou moins de succès, de les sédentariser. Aujourd'hui, les nomades sont devenus des "passeurs de terroristes". Cela n'a rien de politique, c'est un gagne-pain. Mais sans collaboration de part et d'autre de la frontière et, donc, sans l'aide de la Syrie, il est impossible de les contrôler."
Il reste à savoir ce que veut le régime syrien et ce qu'il peut, en matière de sécurité. Pour une source de renseignement américaine basée en Irak, l'une des réponses pourrait être formulée ainsi : "Bachar Al-Assad ne soutient probablement pas directement la rébellion en Irak. En revanche, nous le soupçonnons d'avoir perdu le contrôle d'une partie de ses services qui collabore avec les baasistes irakiens. Mais, dans les deux cas, notre conclusion est la même : c'est inacceptable."
Cécile Hennion
Article paru dans l'édition du 21.05.05
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