Syrie
Gérald Papy
Mis en ligne le 07/06/2005
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Au congrès du parti Baas, le président al Assad prône un changement qui ne dépasse pas le cadre du vœu pieux. Le régime est à la croisée des chemins.
En ouvrant, lundi, le 10e congrès du Baas, le parti au pouvoir, le Président syrien, Bachar al Assad, a prôné une apparente ouverture politique dont on devrait peut-être connaître la portée avant la fin de la réunion, jeudi. Tout indique que celle-ci sera limitée: le chef de l’Etat a insisté sur le rôle «essentiel» que continuera à jouer le Baas.
Irak et Liban
Le régime syrien est incontestablement à la croisée des chemins.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la position de la Syrie sur la scène régionale a été ébranlée. Le renversement, par la force, du parti Baas, frère et néanmoins rival, au pouvoir en Irak a réduit, dans l’entendement américain, l’utilité stratégique d’un pouvoir qui s’était rallié à la coalition contre Bagdad lors de la Guerre du Golfe de 1991. La croisade de l’administration Bush pour la promotion de la démocratie libérale dans le monde arabo-musulman a conduit, avec le soutien de la France, à des pressions telles, au Liban, que les troupes syriennes n’ont eu d’autre issue que de quitter le pays après l’émotion suscitée par l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, dont Damas est soupçonné. Il n’y a finalement guère que sur le front israélien que la position du régime syrien n’a pas encore eu à subir de pressions internationales forçant au changement.
Pouvoir de nuisance
Mais, pour nombre de chancelleries occidentales, le régime syrien, ou, en tout cas, les clans les plus radicaux de celui-ci, conserve un sérieux pouvoir de nuisance au Liban, comme l’a peut-être démontré l’assassinat jeudi du journaliste antisyrien Samir Kassir; en Irak, où la Syrie est régulièrement accusée de lacunes, voire davantage, dans le contrôle du passage de sa frontière par des activistes islamistes candidats au djihad; dans le dossier israélo-palestinien, enfin, en raison de la complaisance dont Damas continuerait à faire montre à l’égard de groupes palestiniens extrémistes et opposés au processus de paix.
Bref, le régime de Bachar al Assad n’est plus épargné, comme il a pu l’être, ni aux Etats-Unis ni en Europe, en tout cas tant que des pressions diplomatiques sont préférées à la solution militaire pour réduire sa faculté de nuisance à l’étranger, voire pour le démocratiser.
Elections et partis
La déclaration du Président syrien, lundi, s’inscrit-elle dans la suite des frémissements démocratiques perçus ces derniers mois dans le monde arabe ? A l’aune du seul discours de Bachar al Assad, l’évolution ne semble même pas relever de cette dynamique. En effet, le rôle que le chef d’Etat alaouite a déclaré continuer à assigner au parti Baas augure mal d’une réelle ouverture politique. Bachar al Assad a appelé à « consacrer le rôle du Baas, à développer son idéologie et à moderniser son projet social ». A côté de ce credo, la volonté du Président d’« élargir la participation du peuple» en l’associant « à la prise de décisions » à travers « une plus grande ouverture en direction des forces nationales » relève du voeu pieux. A l’instar de la détermination affichée par Bachar al Assad d’améliorer les conditions de vie de ces concitoyens et de lutter contre la corruption.
Vœu d’autant plus pieux que ces dernières semaines, la répression s’est abattue sur le seul forum politique libre autorisé -— ses membres ont été arrêtés sans justification puis relâchés — et sur la minorité kurde — un ouléma a été assassiné et des manifestants à Qamichli, dimanche, ont été victimes de violences des forces de l’ordre et de groupes sunnites qui pourraient avoir été téléguidés par le pouvoir.
Non, des progrès vers la démocratisation pourraient trouver un début de concrétisation si, comme l’a affirmé Aymane Abdel Nour, un membre réformateur du Baas, à l’agence France-presse, le congrès de Damas entérinait la création de partis politiques (sur un modèle égyptien, c’est-à-dire selon des critères très stricts qui ne laisseraient à vrai dire que peu de possibilités de développement à une véritable opposition), l’organisation d’élections locales, l’allégement de l’état d’urgence en vigueur depuis 1963. La perméabilité du pouvoir syrien aux évolutions extérieures sera jugée à cette aune.
© La Libre Belgique 2005
7.6.05
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