20.9.04

Une promenade militaire, qu’ils disaient !

Dans son édition de jeudi, le New York Times a présenté un rapport confidentiel des services de renseignement américains, non rendu publique par la Maison-Blanche, préparé pour le président George W. Bush à la fin juillet, dressant un tableau sombre, en trois versions d'évolution, de l'avenir de l'Irak jusqu'à la fin de 2005. Selon le quotidien new-yorkais, sans donner de détails sur la teneur de ce rapport d'une cinquantaine de pages, un responsable américain qui l'a lu a souligné qu'il présentait "une bonne dose de pessimisme".
Le pire scénario table sur une détérioration de la situation militaire qui déboucherait sur une guerre civile, le meilleur sur une stabilisation fragile de la situationpolitique, économique et de la sécurité. Ces prévisions ont été réalisées, sous l'autorité du directeur intérimaire de la CIA, John McLaughlin, avant la récente flambée de violence en Irak et le passage de la barre du millier de soldats américains tués dans ce pays. L'hypothèse médiane, jugée la plus probable, est celle d'une “stabilité précaire”, où se poursuivrait l'augmentation de la violence et des destructions d'infrastructures qui minent les efforts pour établir l'autorité du gouvernement central et relancer l'économie. L'évaluation souligne aussi l'absence totale d'expérience en Irak d'un gouvernement représentatif et la quasi-impossibilité d'installer sur la durée un pouvoir sans y associer les forces religieuses.
Les conclusions du NIC sont similaires à celles des sénateurs de la commission des affaires étrangères. Ils ont estimé, mercredi, démocrates comme républicains, que les Etats-Unis perdront la guerre s'ils ne sont pas capables rapidement d'accroître la sécurité et de remettre ainsi réellement sur pied l'économie irakienne. Sur les 18,4 milliards de dollars attribués en 2003 par le Congrès pour la reconstruction du pays, à peine 1 milliard a été dépensé. Le sénateur républicain Chuck Hagel a jugé cette performance "au-delà du pitoyable".
"Cette commission a entendu, avant la guerre, une succession de gens de l'administration aveuglément optimistes sur l'avenir de l'Irak. Le résultat, aujourd'hui, est accablant. Tout cela n'avait aucun sens et rien n'avait été planifié", a souligné Richard Lugar, le président républicain de la commission. Le numéro un démocrate de la même commission, Joseph Biden, a attaqué directement George Bush : "Le président a souvent décrit l'Irak comme "le front principal de la guerre contre la terreur". Par définition, le succès en Irak est donc la mesure de la guerre contre le terrorisme. Je pense que la guerre contre le terrorisme est dans une situation bien difficile." Le président "nous a emmenés dans un bourbier sans plan pour y entrer ou en sortir", a-t-il ajouté. S'y ajoutent depuis hier les révélations du New York Times sur le rapport final des inspecteurs américains chargés de débusquer les armes de destruction massive : sans surprise, il confirme que Saddam Hussein n'en avait pas, même s'il gardait “l'intention” de développer de tels programmes. Et passons sur l’avis de Koffi Annan concernant “l’illéglité” de cette guerre officiellement terminée depuis le 1er mai 2003.
Ces conclusions renforcent le sentiment d’impréparation politique et l’absence de réelle planification militaire qui encadrent les opérations en Irak depuis le printemps 2002. Comme si la virtualité du lien avec Al Qaïda, qui reste le déclencheur médiatique de la guerre, comme si la virtualité des armes de destruction massive, qui restent la raison médiatique de la guerre, comme si la mobilisation virtuelle des opinions publiques auraient du rester la fiction hollywoodienne qu’elles étaient. Un remake du film de Barry Lewinson, Wag the Dog… Et l’Adminitration américaine cherchera bientôt pourquoi c’est la queue du chien qui bouge et non le chien.

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