Il est loin le temps où le président Chirac partait en Chine parler de droits de l’homme, à la demande de la diplomatie du Saint-Siège, au détriment des intérêts commerciaux de la France, TGV en tête. Aujourd’hui, la mondialisation a transformé l’Empire du Milieu en dernier marché à conquérir. Les médias nous inondent quotidiennement des avancées de la consommation dans ce pays. Là aussi, oubliés les déplacements forcés de population le long du Chang Jiang pour construire un barrage.
Aujourd’hui, tout le monde se souvient du livre d’Alain Peyrefitte ; mais tout le monde oublie l’anathème de Napoléon : « Quand le monde s’ouvrira, le monde tremblera ». Aujourd’hui, les appâts économiques du réveil chinois font oublier tout bon sens. Les voitures occidentales s’exportent bien au pays du vélo. Mais, à l’heure où l’Union européenne se réjouit de la ratification par la Russie du traité de Kyoto, c’est faire peu de cas du désastre écologique qu’engendrera la dotation pour chaque Chinois d’une voiture…
En fait, tout le monde parle de Chine. Mais de quelle Chine parle-t-on ? La Chine n’est pas un ensemble géopolitique uni. Il y a la Chine aride de l’ouest, qui limite l’agriculture aux oasis, la Chine froide du nord, qui empêche les doubles récoltes annuelles, et la Chine tropicale du sud, la région la plus favorable. Il y a encore la Chine des hautes terres de l’ouest (Himalaya et hauts plateaux du Tibet), la Chine des collines, des plateaux et des bassins intérieurs, la Chine des plaines et des deltas. Ces oppositions naturelles laissent apparaître une « Chine pleine » (96 % de la population sur 40 % de la surface) à l’est et une « Chine vide » (6 % des hommes sur 60 % du territoire) à l’ouest, le méridien 110° est constituant la limite entre les deux. Le fondement est ici culturel et historique. Le cœur de cette civilisation millénaire se trouve au nord de la péninsule indochinoise. Sa construction impériale s’est faite vers le sud et l’ouest. Ce qui explique pourquoi il y a plus de Chinois hors de Chine qu’en Chine, immigration cantonaise non comprise. Les marges impériales sont peuplées des minorités ouïgours musulmanes et tibétaines.
A ces disparités latitudinales s’en ajoutent d’autres, longitudinales. Le quart nord-est et le quart sud-est s’opposent sur les conditions naturelles. Dans le premier, domaine de la mousson, prédomine une mise en valeur agricole intensive tournée vers la production de céréales ; la riziculture irriguée caractérise tout particulièrement les campagnes densément peuplées des deltas et plaines alluviales. Dans le second, domaine d’altitude et du désert, la mise en valeur est réduite aux cultures des oasis et à l’élevage très extensif. Le relief oppose une Chine des plaines, au nord et une Chine plus compartimentée, au sud. Le climat du Sud, chaud et humide, permet deux à trois récoltes de riz, puis vers les latitudes plus élevées, de blé ou de maïs est possible. Cette opposition repose aussi sur une industrialisation et une urbanisation plus ancienne et plus dense au nord qu’au sud.
De fait, seul le tiers oriental de la Chine, densément peuplé, a un espace en partie maîtrisé. L’essentiel de l’appareil productif y est installé, en arrière des ports littoraux et en aval des ressources matérielles et humaines. Les grandes vallées est/ouest du Chang Jiang et du Huang He constituent des axes majeurs de passage. La situation n’a jamais été aussi propice aux affaires dans la Chine littorale, le « Hua Dong ». Bénéficiant d’un environnement commercial évolué et d’un PIB par habitant de 4 500 $ US, la solide économie de Shanghai devrait continuer de connaître une forte croissance en 2002-2003, c’est-à-dire environ 10 %. La Chine de l’Est, qui comprend Shanghai et les provinces environnantes du Jiangsu, Zhejiang et Anhui, compte 193 millions. Elle continue d’attirer l’investissement étranger dans les services et le secteur manufacturier de pointe. En tant que centre financier de la Chine et célèbre « tête du dragon » à l’embouchure du Chang Jiang, Shanghai est aussi la voie d’accès aux nouveaux marchés de l’intérieur de la Chine le long du fleuve jusqu’à Wuhan, dernier port de haute mer à sept cents kilomètres de l’océan. Une région secondaire, autour de Guangzou, est devenue la zone la plus dynamique. Elle a le plus bénéficié des délocalisations et des investissements de la diaspora chinoise. Sa croissance repose sur les industries légères à faible valeur ajoutée comme les vêtements, les chaussures, les téléviseurs... Elle s’intègre de plus en plus à Hong Kong et est une ouverture vers Taiwan. Shenzen est un symbole de la « nouvelle Chine » et Canton a pu reprendre sa lutte d’influence avec Shanghai.
Ce « cœur vital » ouvert sur la mondialisation est celui de la modernité et de la richesse chinoise. Les grands chantiers, en particulier dans le domaine des transports internationaux et du bâtiment, s’y succèdent. Son niveau de vie plus élevé attire des flux de l’exode rural et porte en lui les fragilités de la Chine du XXIe siècle. L’intérieur du pays se vide de sa population. L’effet d'entraînement à partir de la côte ne répond qu'en partie aux attentes. Les forces centrifuges et les risques d'éclatement sont réelles. Aux contrastes traditionnels entre villes et campagnes, se sont ajoutés ceux entre régions ouvertes et en voie de fermeture. S’ajoutent les velléités sécessionnistes du Xinjiang, que Beijing laisse émerger sans trop de peur pour le pétrole qui s’y trouve, et du Tibet, mis d’autant plus en coupe réglée que les relations avec l’Inde se sont normalisées. Avant d’être une belle opportunité commerciale, la Chine est surtout une belle poudrière.
8.10.04
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