21.10.04

Qui a enlevé Margaret Hassan ?

Deux semaines après la décapitation de l’otage britannique Kenneth Bigley, la responsable en Irak de l'organisation caritative Care International, Margaret Hassan, une femme possédant la triple nationalité irakienne, britannique et irlandaise, a été enlevée mardi 19 octobre. Al Jazira a diffusé une cassette vidéo la montrant aux mains de ravisseurs inconnus. Cette nouvelle otage britannique est assise dans une pièce et semble nerveuse. Il n'y a aucune bande son. Le film montre en gros plan ses papiers d'identité. Selon la chaîne qatari, le document est accompagné d'une déclaration d'une organisation irakienne non identifiée. Robert Glasser, le directeur exécutif de Care, a décidé de suspendre les opérations en Irak de son organisation. Les Etats-Unis ont indiqué travailler avec les responsables irakiens et britanniques pour tenter de faire libérer l’otage.
Les raisons de cet enlèvement sont plus claires que son origine. Indubitablement, elles sont liées à la demande américaine de voir un détachement de soldats de Sa Gracieuse Majesté dans la région de Bagdad. Formulée le 10 octobre, elle n’a pas encore reçu de réponse formelle du gouvernement Blair. Le chef d’état-major, le général Michael Walker, devrait présenter « une recommandation » à ce propos ces jours-ci. La presse britannique s'accordait toutefois à dire que l'accord officiel de Londres à la requête américaine ne serait donné que jeudi, lors de la réunion de cabinet, avant d'être annoncé aux Communes par Tony Blair. Elle ne devrait pourtant pas être négative, même si le temps et la localisation géographique de l'appui demandé posent problème, suscitant notamment les réserves de l'opposition et la colère des médias face à ce qui est perçu comme un coup de pouce politique à George Bush. Engagé dans une bataille meurtrière pour réduire l'enclave rebelle de Faludja avant les élections américaines de novembre et les législatives irakiennes de janvier 2005, le commandement américain a, en effet, dégarni des lieux sensibles comme, notamment Iskandariya, Latifiya, Hilla, Mahmudiya. Il apprécierait, donc, le soutien d’un bataillon britannique (sept cent cinquante hommes environ) en soutien.
Après l'intervention du ministre de la défense, Geoffrey Hoon, aux Communes, le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, a donné l'impression, mardi 19 octobre, que la décision était déjà prise, malgré les précautions oratoires d'usage. « Nous nous dirigeons évidemment vers une réponse positive », a concédé M. Straw à la BBC, estimant que Londres « laisserait tomber son allié si elle disait non » à un redéploiement des troupes britanniques qui serait « justifié opérationnellement ». Le contingent mis à la disposition des Américains devrait être prélevé sur les troupes britanniques en Irak, de l’ordre de neuf mille deux cents hommes, sont engagés, sous le commandement opérationnel de la Division multinationale (sud-est), dans les provinces de Basra et Muthanna, au sud-est du pays. Selon des fuites à la presse, il proviendrait en grande majorité du 1er bataillon du Black Watch Regiment et d’un escadron de chars Challenger 2. Le bataillon serait déployé dans la zone méridionale de Bagdad. Actuellement stationné à Bassora comme force de réserve, il pourrait être remplacé dans le sud de l'Irak par six cents hommes du Queen's Lancashire Regiment, basés à Chypre.
L’envoi du 1er bataillon des « Black Watch » n’est pas innocent. Il est spécialisé dans la lutte subversive et la guérilla urbaine. Après avoir servi en Corée, il fut envoyé au Kenya où, en 1953, il contribua à supprimer la menace Mau-Mau. Cinq ans plus tard, il était en Chypre pour lutter contre les terroristes de l’Ethniki Organosis Kyprion Agoniston (EOKA). A partir de 1970, il connut de fréquent déploiement en Irlande du nord. Avant d’être intégré, en mars 2003, à l’opération Telic contre l’Irak, dans la région de Basra, il opérait au Kosovo. Dans toutes ces opérations, le régiment remplit la mission pour laquelle il avait été formé à l’issue de la rébellion jacobite, en 1725, assurer la police des Highlands écossaises. La sécurisation des territoires et des réseaux urbains fait partie de la culture des « Black Watch ». C’est ce savoir-faire qui est demandé par le commandement américain, qui doit faire face à une démoralisation des ses hommes et, fait important, à une résistance aux ordres de certains réservistes.
En Irak, les troupes écossaises ont fait le coups de feu, en avril et en mai, contre l’insurrection de Moqtada al Sadr et de sa milice. Le groupe de combat des « Black Watch » compte quelque mille deux cents hommes et inclus deux escadrons de chars du Royal Scots Dragoon Guards et du 2nd Battalion Royal Tank Regiment, un escadron du génie mécanisé et des éléments de défense aérienne. Son action dans la région de Basra a été de distribuer l’aide humanitaire d’urgence et de mettre ses moyens à disposition des plans de reconstruction. Il avait déjà été occupé à cette mission de « Peace Support » au Kosovo. Elle occupe tous les hommes, de la planification du personnel, en amont, jusqu’à la distribution de journaux par les soldats sur la patrouille. Bien que le « renforcement de la paix » soit leur lot quotidien, il y a toujours un élément de vrai danger dans leurs incursions quotidiennes, par étapes, contre les groupes extrémistes et pour saisir les armes illégales. Toutefois, ils s’y aventurent à pied, bérets à plumet rouge sur la tête et manches relevées, n’hésitant pas à saluer les civils qu’ils rencontrent, là où les Américains passent dans leurs Hummers blindés, abrités par leur gilets pare-balles et leurs casques lourds, méprisant l’Irakien, quand ils ne l’abattent pas froidement.

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