24.11.04

La CIA en crise : les fondements

L’argument est certainement intéressant. Mais il fait montre d’un défaut de culture du renseignement, même dans une société américaine pourtant habituée à évoquer les questions de renseignement sur la place publique. La question de l’efficacité de la CIA est récurrente depuis la création de l’Agence. Depuis la Baie des cochons jusqu’au Rwanda, il n’est pas une administration qui n’ait évoqué ses défaillances en chaînes : non-prévision de l’invasion de la Corée du Sud par le Nord, incompréhension de la querelle sino-soviétique et de la nature de la révolution cubaine après la prise de pouvoir par Castro, non-connaissance de la présence de missiles nucléaire tactiques soviétiques à Cuba et des projets d’invasion des Etats-Unis, incompréhension de l’évolution du conflit vietnamien et non-prévision de l’écroulement de l’Union soviétique.
Cette liste est lien d’être exhaustive. Mais il est impossible d’en rendre responsable l’Agence, dans la mesure où personne à la CIA ne savait que ces événements allaient arriver. Plutôt, cela signifie qu’institutionnellement — dans les conseils officiels donnés par la CIA aux dirigeants politiques — l’Agence a clairement échoué a prévoir ce qui allait se produire. Comme chacun sait, un analyste devrait toujours tenir une analyse contraire quelque part, afin de démontrer, l’heure venue, que la tournure des événements avait été anticipée. Mais le fait est que la seule analyse qui compte est celle va permettre au décideur de prendre une décision — et sur cette base, c’est une succession d’échecs.
Cette liste permet de mettre en évidence deux séries d’événements. La première compte les discontinuités temporelles, lorsque le cours du temps s’accélère et n’obéit plus à aucune logique. La seconde met en évidence les conséquences de décisions, qui devaient être connues de la Directions des opérations, mais dont les politiques qui venaient de les prendre ignoraient les résultats probables. Les dernières personnes a prendre conscience que l’Union soviétique venait de mourir étaient bien au Politburo.
La grande affaire de la CIA — et d’une communauté de renseignement en général — est de monter des opérations permettant de recueillir de l'information nécessaire à la conduite d’une nation. Aucune agence n'est pas parfaite à ce jeu, mais la CIA reste un maître de premier ordre. Cependant, un événement qui fait participer des acteurs non-étatiques (comme Castro, avant la révolution cubaine) ou, plus important, dans lesquels les chefs d'Etat sont eux-mêmes ignorants, ne peut se retrouver dans une analyse des services de renseignement. Il casse le paradigme d'une ère et ne peut pas être porté au crédit de la CIA qui ne l’avait pas prévu. Les grands événements historiques qui sont évidents à chacun, mais qui exige des capacités de prévision profondes, est quelque chose que la CIA, pas plus qu’un autre service de renseignement, simplement ne peut pas faire très bien. Quand un événement historique viole toutes les espérances conventionnelles, les services sont assez dépourvus.

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