2.11.04

Le jour des morts (en avance)

Ainsi, bin Laden est encore en vie. Les médias du monde entier nous l’avaient donné pour mort, dans les montagnes ou les grottes de Tora Bora, en novembre ou décembre 2001. Il n’était plus apparu sur les écrans d’al Jazira depuis le 3 novembre 2001, à la veille de la chute du régime des talibans, qui le protégeaient. A la veille de la guerre en Irak, le 11 février 2003, ses menaces de représailles les forces de la coalition avaient été faites dans un enregistrement sonore, laissant croire à une manipulation de cette multinationale terroriste qu’est al Qaïda.
Et voilà qu’à quatre jour des élections présidentielles américaines, le farfadet réapparaît. Après Usama soldat et Usama en cavale, voilà Usama homme politique. Il est apparu droit, derrière un pupitre, dans un costume traditionnel saoudien. Pour un peu, il passerait pour un politicien saoudien ou jordanien. Son discours s’adresse au « peuple américain ». Mais il intervient dans la nuit de la pleine lune du ramadan — qui marque la moitié du mois — relève d’une mise en scène à destination des téléspectateurs arabo-musulmans de la chaîne qatarie. Aussi a-t-il construit un discours vibrant pour la cause arabe, affirmant que sa prise de conscience politique et sa décision d’attaquer l’Amérique sont nées à Beyrouth en 1982. Le souvenir de l’opération « Paix en Galilée » est encore vibrant dans une opinion publique arabo-musulmane qui a vu ses héros s’effacer depuis que Hafiz al Assad est mort, Saddam Hussein a été renversé et emprisonné et Yasser Arafat hospitalisé. Les pitreries de Kadhafi n’ayant jamais été du goût des triforiums de l’Umma, le rêve de l’unité arabe ayant été emporté dans les sables de Desert Storm, il ne reste plus qu’Usama bin Laden pour se dresser contre « l’injustice ».
Comme d’habitude, al Jazira a annoncé que la vidéo préenregistrée lui a été transmise par des militants d’al Qaîda. Vendredi dans la journée, la rédaction de la chaîne qatarie était mise au courant de la diffusion imminente d’un nouvel enregistrement. Elle a précisé que « des diplomates américains basés à Doha » avaient eu entre les mains, le jour même, une copie de cet enregistrement. Un porte-parole de la Maison Blanche a confirmé que Condoleezza Rice, conseillère à la sécurité nationale, avait prévenu le président Bush de son existence. Les autorités américaines ont fait savoir à la chaîne de ne pas diffuser la vidéo, pour qu’elle « ne serve pas de relais à des terroristes qui appellent à tuer des innocents ». Sur son site Internet, la chaîne a déclaré qu’elle a refusé de "céder". Au moment de la diffusion, le directeur d’al Jazira, Uattah Khenfar était « en vacances », et le chef des correspondants, Mohammed Safi, était injoignable. Quant aux journalistes, ils ont été priés de ne pas « communique » avec la presse étrangère.
La coopération entre Al-Jazira et CNN continue. La chaîne américaine, liée par « un contrat d’exclusivit » avec sa consœur arabe, a très vite repris les images d’Usama bin Laden, commentées par la journaliste « spécialiste des médias arabes » de la chaîne d’Atlanta, Octavia Nasser, d’origine libanaise. Pendant toute la guerre en Afghanistan, elle s’occupait alors de choisir pour CNN les images que la chaîne arabe recevait de Kaboul.

Les principales vidéos de bin Laden diffusées par al Jazira

4 octobre 2001 : Images non datées d’Usama bin Laden, en tenue militaire, devant une cinquantaine de militaires cagoulés, dans les montagnes, revendiquant les attentats du 11 septembre. A sa droite se tient Ayman al Zawahri, le leader du djihad égyptien.
7 octobre 2001 : Assis en tailleur, bin Laden, armé, annonce que l’Amérique « ne connaîtra plus jamais la sécurité », alors que l’attaque contre l’Afghanistan des talibans vient de commencer.
9 octobre 2001 : « La tempête des avions ne cessera pas », proclame al Qaïda. Le porte-parole Sulayman Abu Ghaïth déclare en présence dUsama bin Laden et Ayman al Zawahri que « le djihad est devenu un devoir incontestable pour tout musulman… »
3 novembre 2001 : Nouvelles menaces d’Usama bin Laden, sur une vidéo expurgé de certains gestes et expressions, diffusée au moins trois jours après sa réception.

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