3.11.04

Mythes et réalité de l’opinion publique mondiale

L’opinion mondiale souhaite, en majorité, la défaite de George Bush. Jamais l’issue d’une élection présidentielle américaine n’a été attendue avec autant d’impatience de par le monde, et jamais on n’a autant souhaité que les électeurs « sortent le sortant » de la Maison-Blanche. George Bush atteint, en ce qui concerne l’impopularité hors frontières, des scores inégalés dans l’histoire des Etats-Unis. Ce désaveu populaire est confirmé, sauf dans quelques très rares pays, par tous les sondages effectués. Il est essentiellement lié à la guerre en Irak et à son enlisement. La reconduction de l’administration républicaine est perçue comme de nature à aggraver encore la dangerosité du monde.
Mais le climat anti-Bush s’est installé en Europe dès son élection. Incapable de comprendre le système électoral américain, certains ont distillé qu’il n’avait pas été vraiment élu, arguant autant sur le fait que le vote populaire lui avait échappé que sur l’intervention de la justice pour lui donner les voix de Floride, l’état de son gouverneur de frère. Des chroniqueurs distillaient dans les médias l’idée que George W. Bush était un ancien ivrogne inculte, doublé d’un prosélyte religieux. Son livre Born Again, où il affichait le sauvetage de son foie par la foi, ne fut pas compris en Europe, où l’agnosticisme est de bon ton. En plus d’être un idiot, le président américain était un intégriste.
A la veille du 11 septembre, l’opinion publique européenne, si l’on en croit les médias européens, regrettait les frasques de William J. Clinton. Il est vrai qu’il est préférable être un coureur de jupons en Europe qu’un puritain. L’allant anti-Bush s’est encore renforcé avec le refus de son administration de ratifier le Protocole de Kyoto, ouvrant la brèche à une contestation altermondialiste radicalisée. L’aventure irakienne a également vu les rues se remplir de slogans hostiles au président américain.
Hors d’Europe, l’image des Etats-Unis s’est également détériorée dans les rues arabo-musulmanes. Les attentats du 11 septembre ont été accueillis par des réjouissances populaires à Gaza. Les images ont fait le tour du monde et suscité la désapprobation des gouvernements de la région, à commencer par l’Autorité palestinienne. Mais, dans cette région, l’hostilité n’est pas le fait de Bush. Elle tient à la politique des Etats-Unis dans la région, trop partiale à l’égard des Palestiniens. Ces derniers ont retenu que John Kerry, comme son rival, a veillé, pendant la campagne, à ménager Israël et exclu Yasser Arafat comme partenaire de négociation.
Voilà pour le décor dont se repaissent les médias, notamment français. Il n’et qu’à suivre la couverture médiatique de TF1, France 2 et France 3, et de la comparer avec celle d’EuroNews et de chaînes étrangères. Pour les premières, les élections américaines vont changer le cours des événements en France ; c’est à ce point que les actualités couvrent l’essentiel des opérations comme s’il s’agissait d’une soirée électorale française. En contrepoint, la chaîne paneuropéenne d’information continue réserve un moment particulier à l’élection, mais en fin de flash et après avoir parlé des élections en Ukraine, peut-être plus importantes pour le sort du continent… Quant aux chaînes étrangères, qu’il s’agisse de BBC World ou de RAI 1, pour ne pas parler de la TSR et des chaînes allemandes, les élections américaines n’ont pas l’air d’être plus importantes que le reste de l’actualité mondiale. Le mythe de l’opinion publique mondiale atteint là ses limites, à moins que la France ne soit le monde. Justement, parlons-en du Monde. Le quotidien du soir consacrait hier un article « L’opinion mondiale souhaite, en majorité, la défaite de George Bush » ; Claire Tréan n’en consacrait pas moins les deux-tiers de son article à parler de la position officieuse des différents gouvernements.
Et si l’opinion publique internationale n’était qu’un leurre lancé et utilisé par les médias, une illusion née d’Internet et de sa capacité supposée à influencer les individus ?

Aucun commentaire: