22.11.04

Trafics

Le quotidien français Libération titrait, dans son édition de samedi, sur l’avènement d’un narco-état en Afghanistan. Mis à part l’inanité de cette affirmation, ce pays est au pavot ce que la Colombie est à la coca, à savoir le premier au monde. La seule fois où cette culture a été entravée, ce fut paradoxalement durant le régime des Talibans. Mais une fois les étudiants en théologie chassés du pouvoir, la culture a repris de plus belle. Il fallait remplir les caisses des seigneurs de la guerre locaux après des années de restriction budgétaire, suite à leur abandon par l’Occident au main des nouveaux maîtres de Kaboul.
La drogue comme moyen de financement des guerres modernes est un vieux phénomène. La Guerre froide ayant cristallisé le théâtre des opérations européen et nord-américain, un marché s’était fait jour. Non seulement cette zone était la cible des attentats terroristes de tous les indépendantistes possibles, mais elle était aussi la source des financements de toutes les guérillas, marxistes ou non. Les services de renseignement se sont livrés à ce petit commerce pour suppléer à la faiblesse de leur budget dans certaines zones géographiques. On pense notamment à la CIA en Amérique centrale. Mais il y a également les agences soviétiques, serbes, syriennes… Que les mafias s’y soient intéressées ne paraît pas surprenant.
Les prises de drogues peuvent être un bon indicateur de la situation internationale dans les six mois à venir. En effet, les flux de stupéfiants ne sont jamais aussi important, d’où la réussite des services de lutte anti-drogue (DEA, douanes, polices et gendarmeries), qu’à la veille d’un conflit. Les prises en provenance des Balkans ont explosé au printemps et à l’été 1990 ; la guerre de Yougoslavie a commencé à l’automne. Le même phénomène a été constaté avant les attentats du 11 septembre et le début de l’offensive américaine contre l’Irak. L’analyse conserve une marge d’erreur dans son interprétation en ce sens que les mafias, si elles se développent sur des terrains qu’abandonne l’autorité de l’Etat, n’aiment guère les conflits. Ils désorganisent les marchés et les flux. L’argent de la drogue n’est pas entièrement au service du financement des conflits. Il y contribue toutefois.
Un autre indicateur de conflit est valable pour l’Afrique : le diamant. En 2000, les Nations-Unies se sont élevées contre ces « diamants de sang », issus de la contrebande. La question était moins les guerres civiles qu’ils finançaient que les femmes et les enfants qui allaient les chercher dans des conditions sanitaires et sociales d’un autre âge. Le rapport publié dernièrement de la De Beers, la principale firme de recyclage des diamants, qu’ils soient honnêtes ou de contrebande, montre que le marché se maintient et que les pays producteurs d’Afrique se portent toujours bien. Etrangement, ils sont aussi des pays en guerre…
Naturellement, ces situations n’ont lieu qu’au-delà des derniers comptoirs occidentaux, dans les « terrae incognito ».

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