8.12.04

Go On Home !

Il a été notre Bosnie avant l’heure, notre Kosovo ; l’ironie veut que les mêmes troupes y fussent été déployées. Il s’agit de notre conflit israélo-palestinien à nous… et les Etats-Unis sont pareillement impliqués. Ce sont les mêmes minorités, oppressées par le danger que représenterait l’Autre, qui se livrent à une guerre préemptive. De peur que les attentats reprennent, ils préparent la nouvelle crise qui leur permettra de dire : « Je vous avais prévenu ». Ces nouvelles Cassandre ne se contentent pas d’invectiver, elles profitent de leur support légal, puisqu’ils disposent de l’appui des autorités : ils défendent leur bon droit. C’est également la même majorité, soumise à un véritable apartheid depuis trop longtemps au nom de sa religion, laissée dans un climat de violence, qui régule cette société écartée. Seulement, ici, pas de « Westbank », pas de colonie, ni de Jordanie et d’Egypte. Il n’y a que Derry, rebaptisée Londonderry pour bien marquer son appartenance à la couronne britannique, la république d’Irlande et la Grande-Bretagne.
Depuis la fin novembre, une nouvelle bataille de l’information s’est déclenchée, éludée des médias français par l’émotivité de la situation ukrainienne. Elle reprend tous les poncifs du genre : le ton, l’invective, les informations biaisées. Alors que l’Irish Republican Army (IRA) a mené depuis 2001 trois vagues de désarmement partiel, certes dans le plus grand secret, mais avec comme seul témoin le général canadien John de Chastelain, les négociations achoppent sur la preuve des destructions d’armes. L’enjeu est la remise en marche des accords de Stormont, en Irlande du Nord. L’enjeu est la paix. Le danger n’est pas tant le désarmement de l’IRA que l’extrémisme du révérend Ian Paisley, du Democratic Unionist Party, assuré de son bon droit après s’être débarrassé de David Trimble, de l’Ulster Unionist Party (UUP), jugé trop mou face aux catholiques. Cette ligne dure est destinée à sauver l’insauvable, la suprématie protestante.
En plein XXIe siècle, la religion devient un élément de division. Pour le coup, il s’agit d’un véritable « choc des cultures ». En effet, elle ne reprend aucune revendication politique. Les guerres de religion n’existent pas en ce sens qu’elles sous-tendent toujours la volonté d’un parti d’imposer sa volonté à un autre. En Irlande du Nord, il y a bien longtemps que la survie de la couronne britannique n’est plus en cause. Personne ne remet vraiment en question, dans le cadre de l’Union européenne, l’appartenance de l’Ulster à la Grande-Bretagne. Même la République d’Irlande ne le demande plus, au grand dam, il est vrai, de l’aile la plus paisleyienne de l’IRA. Le Sinn Féin ne souhaite plus que la reprise d’un gouvernement commun, afin de relancer la stabilisation sociale de l’Irlande du Nord.
Mais la paix provoque la même crainte qu’en Israël… Les brebis du révérend Paisley ont vécu depuis trop longtemps dans la crainte et la violence pour voir de gaîté de cœur Gerry Adams s’installer au Stormont Castle de Belfast, tel Michael Collins au Dublin Castle le 16 janvier 1922. L’image serait trop porteuse de sens. Seulement voilà, ce sens est révolu. Les récriminations de Paisley sur l’arsenal de l’IRA, son injonction comminatoire d’envoyer les républicains chez le général de Chastelain témoignent de la volonté du vieux leader de rejeter la faute de l’échec des nouvelles négociations sur l’autre partie, alors qu’il n’est prêt à aucune concession. Les milices loyalistes n’ont pas apporté la preuve d’un quelconque démantèlement de leur arsenal. Au moins l’IRA respecte-t-elle un cessez-le-feu depuis le 20 juillet 1997. Sans soutenir complètement les Accords du Vendredi Saint (10 avril 1998), elle ne rendra ses armes que lorsque la paix triomphera. Le faire avant signifierait se mettre à la merci de Loyaliste Volunteer Force, de l’Ulster Defense Association, Ulster Volunteers Force et autres commandos de la Main rouge. Le faire avant s’apparenterait surtout à une reddition au gouvernement britannique…
Plus que jamais, le conflit en Irlande du Nord est symbolique. La preuve, c’est que Pailey demande une photo de la destruction des armes de l’IRA.

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