10.12.04

Renseignement américain : le roi est nu

Les Etats-Unis pensent que le centralisme pourra leur permettre de résorber les disfonctionnements de sa communauté du renseignement. Comme pour assurer la coordination des services de sécurité intérieure, ils ont eu recours au système usité pour assurer la lutte contre la drogue : le « tsar ». Ainsi la presse américaine avait nommé ceux qui occupèrent ce poste de coordonnateur des services de police, de douanes et des forces spéciales. Avec les succès, mais aussi avec les errances que l’on connaît. Le Homeland Security Department appartient à la même espèce de coquille vide au rendu médiatique maximum. En charge de tous les maux qui peuvent frapper la nation, de l’attentat d’al Qaïda à l’invasion de sauterelles, en passant par le SRAS et la sécurité alimentaire, le « tsar » de la sécurité intérieure a rapidement tiré les conséquences de la difficulté de sa tache. Tom Ridge a rendu sa charge au président Bush la semaine dernière. L’ancien patron du New York Police Department Bernard Kerrik, en charge au moment des attentats du 11 septembre 2001, saura peut-être mieux y faire que l’ancien gouverneur de Géorgie…
Le nouveau « directeur du renseignement national » (DNI) américain, poste créé suite à la réforme du renseignement adoptée par la Chambre des représentants mardi 7 décembre, aura autorité sur une quinzaine d'organismes dont la CIA, la NSA, la DIA, le NRO, employant au total cent mille personnes, tant civils que militaires. Ce poste ne fait que se rajouter à celui de « directeur de la communauté du renseignement » (DCI), fonction traditionnellement dévolue au directeur de la CIA. Il est vrai que la séparation de ces deux fonctions était souhaitée depuis longtemps. Mais, selon une analyse du Washington Post, le nouveau « tsar » de la sécurité extérieure ne devrait pas être plus performant que l’ancien. « Responsable devant le président et le peuple américain », son rôle politique, une tendance qui date de l’ère Clinton et s’est poursuivie sous Bush II-1 (missions de George Tenet en Israël et en Palestine), n’en sera que renforcé. De rôle politique à politisation du renseignement, la limite est vite franchie. Mais le rôle de ce « tsar » ne sera pas d'exercer un contrôle direct sur les agents, seulement de coordonner l'action des organismes existants. C’est la technique du Homeland Security Department appliquée au renseignement extérieur.
Le « tsar » est pourtant censé mettre fin aux dysfonctionnements de la « communauté du renseignement », mis à jour par la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001. Mais les raisons fondamentales de ces échecs, notamment la concurrence entre agences, n’est pas levée. Le directeur du renseignement national verra toujours se dresser face à lui le Pentagone, qui conserve le contrôle et les budgets du renseignement militaire. Par ailleurs, la création d'un nouveau centre national de lutte antiterroriste lui ôte tout contrôle sur ce sujet, déjà partagé par le Homeland Security Department. Son directeur sera nommé par le président lui-même. Encore un « tsar »… Les spécialistes du renseignement se demandent comment toutes ces nouvelles pièces pourront trouver leur place dans le puzzle existant. Surtout, ils craignent que la réforme n’ait pas le moindre effet sur le niveau de sécurité dans le pays…

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