20.1.05

De la guérilla irakienne (1)

La reconstruction de l’Irak pose un problème de taille aux autorités militaires américaines et au gouvernement local à ses ordres : la qualité de ses forces de sécurité. La nature de la guérilla est telle qu’elle ne permet pas de faire émerger des camps parfaitement homogènes, où l’on pourrait être sûr des individus qui intègrent les nouvelles police et garde nationale. Le licenciement des troupes de l’ancien régime a contribué à cette situation, de même que la paupérisation d’une population irakienne fatiguée de vingt ans de guerres et d’embargo.
La guérilla irakienne ne fait qu’utiliser tout ce ressentiment. En infiltrant les rangs des forces de sécurité, elle dispose d’un réseau d’espionnage au plus profond du dispositif américaino-irakien. De fait, il apparaît de plus en plus fréquemment que les partisans disposent d’informations sur les mouvements et les routines des troupes irakiennes et américaines. Cela est clairement apparu dans l’attentat suicide du 21 décembre 2004 contre la base américaine de Mossoul, qui a fait vingt-deux tués. Une douzaine de policiers et de militaires irakiens, certains de haut rang, ont d’ores et déjà été éloignés, en raison de suspicions de collusion avec la guérilla.
Il existe trois catégories d’infiltrés, chacun avec leurs propres raisons. Il y a d’abord les combattants, qui s’engagent dans les forces de sécurité ou obtiennent un emploi sur une base américaine ; dans certaines zones, comme dans le triangle sunnite, le nombre de partisans infiltrés est estimé à un cinquième, a déclaré le major des forces spéciales James A. Gavrilis devant le Council on Foreign Relations. Dans les régions où la population se montre plus coopérante, comme les Chi‘ites du sud, le nombre ne dépasserait pas les 1 %.
Il y a ensuite les sympathisants, qui ne prennent pas les armes contre les Américains et le gouvernement irakiens, mais qui fournissent des informations et une assistance à la guérilla. A l’instar des sources du monde du renseignement, ils sont motivés par l’argent ou des liens tribaux. De nombreux policiers et soldats irakiens retournent chaque soir, après leur service, dans leurs quartiers, leurs villages, où ils sont au contact de la population, leurs familles, leurs voisins, parmi lesquels il y a nécessairement des partisans de la guérilla qui leur demande de l’aide.
Enfin, il y a les intimidés, ces policiers et ces soldats qui ont vu leurs collègues tomber, victimes de la guérilla, et qui, plutôt que d’être les suivants, donnent des informations. Plus de deux mille Irakiens, servant dans les forces de sécurité, ont été tués dans des attaques de la guérilla depuis mai 2003.
L’ampleur de ces infiltrations n’est pas vraiment mesurable. En octobre dernier, selon le New York Times, Aqil al-Saffar, comme du Premier ministre par intérim Ayad Allawi, l’estimait à 5 % des troupes gouvernementales. D’autres experts suggèrent que le nombre est plus élevé. « La pénétration des forces de sécurité et militaires irakiennes doit être la règle, et non l’exception », note Anthony Cordesman, un analyste militaire du Center for Security International Studies, dans un récent rapport [http://www.csis.org/features/iraq_strengtheningforces.pdf]. Le commandement américain partage cette opinion. « La police et les forces militaires ont toutes des insurgés en leur sein. Vous n’avez pas de forces pures », a déclaré à l’Associated Press le lieutenant-colonel Jeffrey Sinclair, de la 1st Infantry Division. Toutefois, chercher à connaître la taille de l’infiltration n’a guère de sens, estime le major Gavrilis : « Je ne pense pas que le niveau de la pénétration est aussi important que le pensent les gens, parce que vous n’avez pas vraiment besoin de beaucoup pour causer d’importants dégâts. »

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