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Des armées occidentales s'engagent dans l'opération de secours

LE MONDE | 03.01.05 | 15h03

La marine américaine est déjà opérationnelle au large de l'Indonésie, le pays le plus touché. Des contingents français et australien sont en voie d'acheminement. La diplomatie humanitaire s'intensifie à l'approche d'un sommet régional, élargi aux bailleurs de fonds, jeudi à Djakarta.

Bangkok de notre correspondant en Asie du Sud-Est

L'intervention d'hélicoptères de la marine de guerre américaine a marqué, samedi 1er et dimanche 2 janvier, le véritable lancement d'une vaste opération internationale de secours aux populations de la province indonésienne d'Atjeh. Dix-sept appareils H-60 Sea Hawk du porte-avions Abraham-Lincoln, stationné depuis samedi au large de la côte de Sumatra nord, procèdent à des évacuations et apportent des secours à des populations isolées et sinistrées depuis le séisme et les tsunamis du 26 décembre.
Deux porte-hélicoptères, un australien et un français — le Jeanne-d'Arc —, ainsi qu'une frégate française font route pour participer à ce qui constitue un effort sans précédent. Comment acheminer cette aide massive ? C'est la priorité à Atjeh, où un million de gens sont menacés par la famine et les épidémies. "Les goulets d'étranglement logistiques sont de très loin le plus gros problème", avait déclaré, samedi, Jan Egeland, coordinateur de l'ONU.
L'aéroport international de Medan, juste au sud de la province, accueille 260 vols par jour, contre 80 habituellement. L'aire de parking est encore plus réduite sur celui de Banda Atjeh, dont la tour de contrôle a été endommagée. De nombreux vols humanitaires ont dû être reportés ou détournés sur d'autres aéroports.
Le trafic s'est toutefois amélioré dimanche. "Le retard commence à se combler. Nous faisons ce qui est en notre pouvoir pour améliorer la vitesse du débit de prise en charge des aides à l'aéroport de Banda Atjeh, en renforçant les capacités de déchargement et celles des contrôleurs aériens", a déclaré à l'Agence France-Presse Michael Enquist, du Bureau de coordination humanitaire de l'ONU.
En dépit du manque d'essence, des dizaines de camions ont quitté Medan pour convoyer l'aide en longeant la côte orientale d'Atjeh jusqu'au chef-lieu de la province, à la pointe septentrionale de l'île de Sumatra (vingt heures de trajet). Trente-huit camions-citernes ont notamment atteint Banda Atjeh, où le courant électrique a été rétabli, ainsi qu'un convoi de trente camions de l'Organisation internationale des migrations (OIM).
En Thaïlande, U-Tapao, ancienne base aérienne de la guerre du Vietnam, sert de relais aux gros transporteurs aériens américains Hercules C-130 chargés d'acheminer du matériel non seulement vers l'Indonésie mais aussi vers le Sri Lanka et le Sud thaïlandais. Le président Bush a annoncé, de son côté, qu'une escadre américaine avait quitté Guam pour rejoindre l'Indonésie. Un avion-cargo américain a déjà transporté à Atjeh samedi des sacs mortuaires, des médicaments et des couvertures.
Washington compte expédier 80 000 sacs mortuaires car les autorités indonésiennes ont décidé de ne pas procéder à des incinérations pour respecter les traditions des Atjehnais, qui sont de pieux musulmans.

TRAITEMENT DE L'EAU

Selon le coordinateur onusien Jan Egeland, les besoins sont énormes. Des équipes de contrôleurs aériens, une centaine de navires et de barges de débarquement, des centaines de camions et d'unités autonomes de traitement de l'eau, avions de transport géants sont attendus, recense-t-il. Des Super-Puma singapouriens participent aux secours. Une cinquantaine d'organisations médicales sont déjà à l'œuvre à Atjeh, où la plus grosse difficulté demeure l'aide aux communautés isolées et sinistrées, y compris à l'intérieur des terres, où le séisme du 26 décembre a fait des ravages.
Dimanche, le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a commencé à acheminer vers Atjeh deux mille tentes familiales, cent mille couvertures, vingt mille linceuls en plastique et deux cent mille jerricans, de quoi satisfaire les premiers besoins de cent mille réfugiés. Le transport, qui doit s'étaler sur trois jours, s'effectuera par camion à partir de Medan où le matériel est acheminé par avion.
Mais les secours s'entassent déjà sous les hangars de l'aéroport Polonia de Medan, car leur transfert vers Atjeh est retardé par des attentes aux causes indéterminées. L'aéroport de Banda Atjeh est lui-même engorgé. "Il est vrai que la distribution de l'aide a pris du retard, ce qui a conduit à l'accumulation du ravitaillement", a reconnu, samedi, l'un des responsables indonésiens. Des pluies torrentielles ont, entre-temps, ajouté à la misère des survivants et au désordre.
Djakarta a décidé l'envoi de trois cents fonctionnaires dans la province meurtrie pour suppléer à une administration décimée. Les autorités indonésiennes admettent depuis plusieurs jours qu'elles ne peuvent pas faire face à un désastre dont le nombre officiel des morts a franchi, lundi, la barre des 90 000.
Un porte-parole militaire indonésien a confirmé, de son côté, que des opérations contre la petite guérilla indépendantiste atjehnaise se poursuivaient et que des renforts de troupes avaient été dépêchés sur place. Il a, toutefois, indiqué que les deux tiers des soldats présents dans la province avaient été affectés à l'aide humanitaire.

Jean-Claude Pomonti

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