4.1.05

Que reste-t-il des GIA ?

Lundi, le ministre de l’Intérieur a revendiqué le «démantèlement quasi-total»du Groupe islamique armé (GIA) jadis dirigé par Antar Zouabri, tué par l’armée le 8 février 2002, à Boufarik, à 35 kilomètres au sud d'Alger. Selon les autorités algériennes, son successeur, Rachid Oukali, alias Rachid Abou Tourab aurait été assassiné par les siens en juillet 2004. Alger affirme qu’un «opération menée avec méthode et patience durant plusieurs mois par les services de sécurité» et l'armée avait déjà permis, début novembre, l’arrestation de Boudiafi Mourad, alias «Noureddine RPG», candidat à la direction du groupe armé. Un autre dirigeant briguant la succession aurait été tué par l’armée début décembre. Au total, les autorités algériennes se félicitent, sinon de «l’éradication» des islamistes, du moins de l’élimination de «plusieurs réseaux de soutien» du GIA, appellation mal contrôlée et souvent mise au pluriel.
En annonçant que Boudiafi est sous les verrous, les autorités algériennes lui imputent la mort d’Abou Tourab. Il serait tombé dans une guerre intestine pour le contrôle de «l’émirat». Les services de sécurité algériens revendiquent en même temps la disparition de son successeur «fraîchement intronisé», Chaâbane Younès, alias «Lyès», abattu le 1er décembre dernier à Chlef. Alger fait valoir l’importance de ce coup de filet en accusant le groupe d’avoir perpétré les massacres de civils commis dans différentes localités de l’ouest entre 1999 et 2003. En même temps, l’annonce du ministère de l’Intérieur circonscrit la nébuleuse GIA à un terrorisme «résiduel» et divisé, bref, en voie de disparition.
Selon le communiqué officiel, une douzaine de terroristes actifs ou dormants auraient été arrêtés dans la capitale et sa banlieue, de nombreuses caches d’armes auraient été découvertes dans la Mitidja et le Chlef, des véhicules saisis, ainsi qu’un trésor constitué d’objets en or volés pendant les massacres de Raïs, Bentalha, Had Chekala et Tenès, entre 1997 et 1998. Les enquêteurs de la police estiment que ce groupe armé était également impliqué dans les meurtres qui ont ensanglanté les régions de Blida et d’Aïn Defla, en novembre 2004. Selon eux, ils ne resteraient plus désormais qu’«une trentaine de terroristes du GIA encore en activité, répartis en deux groupes implantés dans le massif montagneux de Thala Acha à Blida et celui de Kouacem, entre Chlef et Tissemsilt».

Dernier carré

Au total, le chef de la police algérienne, Ali Tounsi, estime entre 300 et 500 combattants les effectifs du dernier carré des islamistes en armes depuis la confiscation de la victoire aux législatives du Front islamique du salut (Fis), en 1992. Selon les autorités algériennes, la plupart de ces rebelles appartiendraient au principal mouvement armé, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), une dissidence «GIA» radicale qui, en 1998, avait suivi Hassan Hattab. Donné pour mort, ce dernier avait été remplacé par Nabil Sahraoui, lui-même tué par l'armée fin juin 2004 dans la montagne de petite Kabylie, près de Béjaïa, à 260 kilomètres à l'est d'Alger. Après moult tergiversations, Alger avait accusé réception du numéro 2 du GSPC, Amari Saïfi, dit «Abderezzak le para», prisonnier de rebelles tchadiens et livré fin octobre 2004 par la Libye. Décapité, le GSPC serait en voie de démembrement.
Pour leur part, les groupes armés islamistes étiquetés GIA n’ont plus guère revendiqué d’actions ces dernières années, après s’être affichés dans de multiples attentats meurtriers contre les forces de sécurité et surtout contre des civils tout au long des années quatre-vingt-dix. Entre temps, beaucoup de questions sans réponses ont été posées sur ces émirats très localisés et apparemment dépourvus d’organisation transversale mais non moins surgis tout armé de nulle part. Au plus fort des années de plomb de la décennie 90, leur stratégie sanguinaire est même parfois apparue si incompréhensible que certains ont cru voir la main de l’armée allumer des contre-feux en infiltrant l’une ou l’autre des multiples têtes de l’hydre GIA. Impliqués dans de multiples massacres de civils, dans des attentats ciblés contre des intellectuels ou des journalistes, mais aussi par exemple dans le détournement sanglant d'un Airbus d'Air France sur l'aéroport d'Alger, ils ont progressivement perdu leur capacité de nuisance, noyautés et manipulés ou minés par des dissidences spontanées.
Après l’amnistie décrétée en 1999 par le président Bouteflika et la reddition de milliers de rebelles, l’avis de décès officiel de l’un des derniers GIA contribue sans doute à rassurer les civils. D’autant que le ministère de l’Intérieur se réclame aujourd’hui de batailles gagnées sans grands fracas militaires et sans ratissages coups de poing, épargnant les dégâts collatéraux, considérables pendant l’ère de la terreur. Le président Abdelaziz Bouteflika paraît également disposé à faire une nouvelle offre d'amnistie aux «derniers» rebelles. Déjà, tout meurtre n’est plus systématiquement imputé aux groupes armés islamistes. C’est ainsi par exemple que les services de police ont jugé utile d’affirmer cette semaine que l’assassinat récent d’un père et de ses deux filles «n'est pas lié au terrorisme». Des coupables auraient même été arrêtés.
L’heure est à la consolidation de la sécurité et au retour dans leurs douars reculés des populations réfugiées dans les villes. Fin décembre, l’Union européenne (UE) a débloqué 30 millions d'euros pour la «réhabilitation des régions rurales, notamment les régions ayant souffert du terrorisme», en l’occurrence six wilaya (départements) de l'ouest algérien.

Monique Mas

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