14.1.05

La guérilla anti-américains cible les partis politiques irakiens

Renaud Girard
[14 janvier 2005]

Destinée à faire échouer des élections générales prévues pour le 30 janvier, la stratégie de terreur des groupes islamistes clandestins anti-américains en Irak connaît un nouveau tournant. Après s'être attaqué aux employés de la Commission électorale indépendante mise en place par le gouvernement pro-américain d'Iyad Allaoui, les terroristes — qui s'attribuent de plus en plus souvent le titre flatteur de moudjahidins comme dans l'Afghanistan des années 80 — ont ouvert leur champ d'action et s'en prennent désormais aux militants politiques de tous bords.
Un militant du Parti communiste irakien, Mouayad Sami, a été assassiné hier, devant sa maison, par un commando de tueurs armés, près de la ville de Baaqouba (60 km au nord-est de Bagdad). Il s'agit du troisième membre du Parti communiste tué par des hommes armés en près de trois semaines. Le 5 janvier dernier, un dirigeant du parti, Hadi Saleh, a été retrouvé mort à Bagdad. Il avait été étranglé, les yeux bandés et les mains liées par un fil de fer. Cette macabre mise en scène avait un but évident : inspirer la terreur à tous les citoyens irakiens désireux de participer au processus d'instauration de la démocratie dans le pays. Le Parti communiste irakien n'a jamais été particulièrement pro-américain, mais, après la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003, ses dirigeants ont décidé de jouer le jeu des élections. Ces dernières doivent désigner, à la proportionnelle intégrale, une Assemblée nationale transitoire de 275 députés, aux pouvoirs à la fois constituants, législatifs et de désignation d'un nouvel exécutif.
Par ailleurs, le cheikh Mahmoud al-Madahaïni, un représentant du grand ayatollah chiite Ali Sistani, ainsi que son fils et quatre gardes du corps, ont été assassinés mercredi soir au sud de Bagdad. Les six hommes ont été tués alors qu'ils rentraient de la prière du soir à Salman Pak, une bourgade située à une dizaine de kilomètres au sud-est de Bagdad. Salman Pak, ville à majorité sunnite, qui se trouve sur l'autoroute menant à Kout, dans le sud de l'Irak, est une zone connue de non-droit, où des hommes armés pratiquent régulièrement des enlèvements et volent des cargaisons.
Le grand ayatollah Sistani est le principal leader politico-religieux de la communauté chiite irakienne (60 % de la population du pays). Le vieux théologien jouit d'un tel prestige que son portrait se trouve dans la grande majorité des foyers chiites irakiens. La liste de coalition qu'il soutient risque de sortir grand vainqueur des élections. Bien qu'il n'ait pas approuvé l'intervention militaire de mars 2003 des Etats-Unis contre son pays, l'ayatollah Sistani s'est toujours gardé d'appeler au djihad contre les forces d'occupation.
Dans un troisième incident, sept Irakiens ont été tués et un entrepreneur turc a été enlevé hier par un groupe de dix hommes armés, en plein centre de Bagdad. C'est une nouvelle preuve de l'inefficacité de la police irakienne, dont le pouvoir de dissuasion est nul face à des commandos islamistes déterminés. Quant aux soldats américains, ils sortent le moins possible de leurs casernes fortifiées, tant le Pentagone tient à limiter les pertes humaines américaines. Du temps de Saddam Hussein, Bagdad était quadrillé par des permanences du parti Baas, en charge de la propagande mais aussi de la police de proximité. En dissolvant le parti en mai 2003, la nouvelle administration américaine a privé le pays d'une structure policière, dont le manque aujourd'hui est particulièrement criant.

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