7.1.05

M. Chirac : "Tous les moyens mis en œuvre" pour retrouver la journaliste Florence Aubenas

LEMONDE.FR | 06.01.05 | 19h28  •  MIS A JOUR LE 07.01.05 | 12h59

La déclaration du président Jacques Chirac fait suite à celle du ministre des affaires étrangères, Michel Barnier, qui avait indiqué vendredi matin avoir "des inquiétudes mais pas de certitudes" sur le sort de la journaliste Florence Aubenas, disparue en Irak depuis mercredi.

Le président français, Jacques Chirac a indiqué, vendredi 7 janvier, à Paris, lors des vœux à la presse, qu'il était "inquiet" après la disparition en Irak de la journaliste de Libération Florence Aubenas, ajoutant que la France mettait "tous les moyens" en œuvre pour la retrouver.

Le président a également "formellement" déconseillé vendredi aux journalistes d'aller en Irak, où leur sécurité "ne peut pas être assurée". "Dans la période actuelle, la sécurité des correspondants de guerre ne peut pas être assurée en Irak", a-t-il déclaré. "C'est ainsi. Les autorités françaises déconseillent formellement l'envoi de journalistes dans ce pays."

Paris avait émis "des inquiétudes mais pas de certitudes" sur le sort de la journaliste de Libération, Florence Aubenas, disparue depuis mercredi avec son interprète irakien, Hussein Hanoun Al Saadi, en Irak, selon les déclarations vendredi du ministre des affaires étrangères français, Michel Barnier, sur la chaîne LCI. Dans un communiqué, le ministère des affaires étrangères avait "confirmé que Florence Aubenas et son accompagnateur irakien, Hussein Hanoun, n'avaient plus été vus à Bagdad depuis mercredi matin". Peu auparavant, l'information avait été rendue publique par Libération sur son site Internet, qui précisait que Florence Aubenas et son interprète n'avaient pas été vus depuis leur départ de leur hôtel de Bagdad mercredi matin. Jeudi soir, dans un entretien accordé à TV 5, la ministre de la défense française, Michèle Alliot-Marie, a conseillé aux journalistes d'éviter de se rendre en Irak, invoquant "la voix de la sagesse".

"MOBILISATION IMMÉDIATE"

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) s'est également déclarée inquiète du sort de la journaliste en Irak et de son interprète dans un communiqué vendredi et a appelé à une mobilisation "immédiate". "Il est nécessaire d'attendre avant de se prononcer plus avant sur le sort de Florence Aubenas et de son assistant, mais, en revanche, la mobilisation doit être immédiate. Si rien ne permet de parler d'un enlèvement, il ne faut pas oublier que dans le cas de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot, cette mobilisation internationale a payé", estime RSF, qui s'est beaucoup mobilisée pour la libération de ces deux otages en Irak.

L'envoyée spéciale de Libération à Bagdad, Florence Aubenas, et son interprète irakien ont disparu en Irak depuis plus de vingt-quatre heures, avaient annoncé jeudi 6 janvier dans la soirée le quotidien et le Quai d'Orsay. "Dès que le journal Libération nous en a informés, tous les efforts ont été entrepris par nos représentants à Bagdad et par le ministère à Paris pour les retrouver", a précisé le Quai d'Orsay, qui demande à tous les ressortissants français, "y compris les représentants des médias", d'éviter de se rendre en Irak "compte tenu des risques actuels encourus dans ce pays pour la sécurité de chacun".

De source policière à Bagdad, selon l'agence Reuters, on précise que la journaliste française a disparu sur la route entre Bagdad et Tadji, au nord de la capitale irakienne et l'hypothèse d'un enlèvement serait évoquée.

Florence Aubenas, arrivée à Bagdad le 16 décembre, travaille pour Libération depuis 1986. Grand reporter, elle a couvert de nombreux événements, au Rwanda, au Kosovo, en Algérie, en Afghanistan et en Irak, ainsi que plusieurs grands procès en France. Le journal a publié jeudi un long article sur les élections irakiennes signé de sa main et intitulé "A Bagdad, le vote entre le boycott et la mort".

Son interprète, Hussein Hanoun Al Saadi, collabore avec les envoyés spéciaux de Libération depuis presque deux ans. Ce dernier "a joint sa femme au téléphone hier vers 11 h 30, mais ce n'était pas un appel affolé", a rapporté le directeur de la rédaction de Libération, Serge July. "Depuis, on est sans nouvelles", a-t-il ajouté sur LCI.

"Dans les normes de sécurité qui sont les nôtres, jamais, sauf cas exceptionnel, quelqu'un ne reste longtemps sans donner des nouvelles ou sans donner son emploi du temps à Libération", a continué M. July. Selon le directeur du journal, Florence Aubenas travaillait actuellement sur deux sujets : les femmes candidates aux élections et les réfugiés de Fallouja, que la journaliste cherchait à rencontrer.

"Mais ses rendez-vous avaient été remis, pour ce que nous en savons, parce que l'endroit des rendez-vous était considéré comme trop dangereux. Nous ne pensons pas qu'elle est allée à ces rendez-vous", a-t-il précisé, ajoutant qu'il était "naturellement inquiet".

"TOUT SAUF UNE TÊTE BRÛLÉE"

Les autorités françaises, prévenues dès la fin de l'après-midi de mercredi, ont demandé à leurs diplomates en poste en Irak d'entamer des opérations de recherche, notamment dans les hôpitaux. "Nous ne savons pas exactement ce qui s'est passé. Toutes les hypothèses sont ouvertes et bien entendu nous allons essayer d'en savoir un peu plus" sur la disparition de Florence Aubenas, a assuré Mme Alliot-Marie, ajoutant que la libération des deux otages français, Georges Malbrunot et Christian Chesnot, avait montré que "civils et militaires de la DGSE avaient un certain savoir-faire en la matière" et que "nous avons également tiré des conséquences sur un certain nombre de filières".

De source diplomatique, on avance avec prudence quatre hypothèses pour expliquer que Florence Aubenas n'a pas donné de nouvelles. La journaliste française peut avoir été tuée, blessée, enlevée ou arrêtée par erreur par les forces de sécurité irakiennes ou américaines, explique-t-on.

Le secrétaire général de Reporters sans frontières, Robert Ménard, a fait part de son inquiétude et rappelé que Florence Aubenas avait une grande expérience du danger. "C'est une excellente journaliste, je la connais depuis des années, elle est allée dans des zones hyperdangereuses. Elle sait les risques qu'il faut prendre et ne pas prendre", a-t-il déclaré à Reuters. "Elle a couvert des pays comme l'Algérie, toute l'Afrique. C'est tout sauf une tête brûlée".

Le directeur de la rédaction du quotidien, Antoine de Gaudemar, a indiqué avoir choisi de rendre publique la disparition de son envoyée spéciale en Irak parce qu'"on est inquiets et que cela peut être une protection pour elle". "Il vaut mieux qu'on fasse connaître que Florence Aubenas est une journaliste française qui travaille pour un journal quotidien français à Bagdad, où elle est envoyée spéciale", a-t-il fait valoir.

"On commence à s'inquiéter ; on préfère le dire mais on ne peut rien dire de plus car on ne sait rien", a poursuivi Antoine de Gaudemar. "La dernière nouvelle qu'on a d'elle, c'est qu'elle sort de l'hôtel à 11 heures avec son 'fixeur' (assistant) habituel, le même qui travaille avec nous depuis deux ans, et depuis on n'a plus de nouvelles. C'est tout ce qu'on peut dire", a-t-il conclu, en précisant que les autorités françaises, irakiennes et américaines avaient été alertées.

Deux journalistes français enlevés en août 2004, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ont été libérés le 21 décembre. Les deux hommes, qui travaillaient notamment pour Radio France, Ouest France et Le Figaro, avaient été enlevés le 20 août avec leur chauffeur syrien, Mohamed Al Djoundi. L'Armée de libération en Irak avait revendiqué leur enlèvement.

Lemonde.fr, avec AFP et Reuters

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