1.1.05

Présidence luxembourgeoise de l'Union européenne

La présidence luxembourgeoise de l'Union européenne s'annonce chargée : le 22 février, à Bruxelles, visite du président américain George Bush ; en mars, réforme du pacte de stabilité ; fin juin, la conclusion des négociations sur le budget à long terme de l'Union européenne (2007-2013).
Même pour le doyen en exercice des dirigeants européens, chef du gouvernement d'un pays fondateur de l'Union européenne, qu'est Jean-Claude Junker, le défi sera difficile à relever. Pour ne rien arranger, les délicats dossiers européens qui attendent le Luxembourg risquent de se télescoper avec les agendas – strictement nationaux – de nombreux pays. «A chaque fois que la Commission ou la présidence de l'UE avance une initiative, on trouve au moins un premier ministre pour vous appeler, vous dire que l'idée est excellente, et qu'elle mûrira mieux dans un tiroir qui restera fermé jusqu'à la fin du référendum dans le pays en question», expliquait hier Jean-Claude Juncker au quotidien La Libre Belgique.
Ces télescopages malheureux font partie du lot quotidien de toute présidence européenne. Mais s'agissant de la présidence luxembourgeoise, ils pourraient se révéler plus paralysants encore. Le référendum français sur la Constitution, prévu au printemps prochain, le scrutin législatif en Grande-Bretagne du printemps 2006, suivi par les élections allemandes de l'automne 2006 «risquent de conduire à un enlisement» européen, redoute Jean-Claude Juncker.
Les premières escarmouches viennent de débuter à propos des deux dossiers économiques les plus emblématiques de l'Europe : la réforme du pacte de stabilité et les perspectives financières (budget 2007-2013). Ainsi, le chancelier allemand Gerhard Schröder, qui reste confronté dans son pays à une situation budgétaire délicate, tient absolument à ce que l'évaluation européenne de la dette allemande prenne en compte le fait que son pays dépense beaucoup d'argent pour l'Europe, et plus qu'il n'en reçoit.


Si «l'ardoise» de 5 milliards d'euros accumulée en 2002 par Bruxelles auprès de Berlin était prise en compte – à défaut d'être apurée – notre dette serait réduite de 0,5 point, argumente Schröder. Une perspective rejetée par Jean-Claude Juncker. Ces conflits d'intérêts vont naturellement s'exacerber dans les prochaines semaines. Et ils vont se complexifier dès lors que les 25 ministres de l'Union progresseront dans la négociation sur les perspectives financières. Théoriquement, celles-ci doivent être bouclées au plus tard fin 2006.


L'échéance peut sembler lointaine, mais les diplomates luxembourgeois plaident pour une accélération du calendrier. Si des jalons ne sont pas posés d'ici à la fin juin, expliquent-ils, l'enchaînement politique risque d'être dévastateur. Au second semestre 2005, en effet, c'est Londres qui assurera la présidence de l'UE. Terrorisée à l'idée de devoir renoncer à son «chèque», la Grande-Bretagne sera incapable, durant cette période, de jouer les «M. Loyal», posture que toute présidence européenne impose. Lors du premier semestre 2006, sous présidence autrichienne, il sera tout aussi difficile de demander à Tony Blair d'abandonner son chèque. A cette époque, il remettra cette fois son mandat de premier ministre en jeu devant des conservateurs quasiment europhobes...
Restera alors la présidence finlandaise du deuxième semestre 2006, qui elle, tombera en plein dans les élections allemandes. Et cette fois c'est Berlin, premier plus gros contributeur net au budget de l'Union, qui refusera d'être «tondu» davantage au profit de l'Europe. Conclusion de Jean-Claude Juncker : «Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur les grandes lignes en juin, il sera impossible de mettre en place les programmes financiers qui doivent être disponibles le 1er janvier 2007.» Un diplomate luxembourgeois confesse : «Il sera difficile de faire rentrer le train dans la gare.»
A défaut de succès sur le plan économique, ce petit pays de 444 000 habitants pourra peut-être se flatter d'avoir contribué à rapprocher l'Europe des Etats-Unis. En dépit des contentieux accumulés sur la guerre en Irak, Washington et Bruxelles réussiront-ils, le 22 février, à relancer le dialogue transatlantique ? George Bush en a exprimé l'intention dans une lettre adressée au président de la Commission européenne. Pour sa part, Jean-Claude Juncker a expliqué qu'en matière de diplomatie, il «résisterait à une tentation typiquement européenne de donner des leçons à la planète entière».

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