11.1.05

Quelle paix juste et durable pour le Liban ?

« L’absence d’une paix juste et globale représente le danger véritable qui menace tous les pays et les peuples de la région, et les empêche d’être stables et prospères », a affirmé le président libanais dans une allocution prononcée hier devant le corps diplomatique au Liban. « Le Liban souffre de l’absence de cette paix, c’est pour cela qu’il a pris cette position à l’égard de la résolution 1559 tout en respectant toutes les résolutions internationales, car cette résolution fait abstraction de la paix », a ajouté Emile Lahoud. Le texte de son discours a été distribué en trois langue, l’arabe, le français et l’anglais, permettant ainsi quelques jeux sur les mots. « Le Liban est opposé à la résolution 1559 », affirme-t-il selon le texte en arabe, arguant qu’elle « demande au Liban de remplir certaines obligations qui, si elles sont mises en application dans l’état actuel, représentent un danger direct pour son unité nationale, sa stabilité et sa sécurité ».
Votée en septembre dernier à l’instigation de Paris et Washington, cette résolution du Conseil de sécurité réclame implicitement le retrait des troupes syriennes du Liban, et le désarmement du Hezbollah ainsi que des mouvements palestiniens au Liban. S’adressant aux pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et la France, M. Lahoud a indiqué que les « pressions que l’on exerce sur le Liban » pour l’application de cette résolution « lui font courir un grave danger ». Selon lui, ce danger « se manifesterait par l’installation des réfugiés palestiniens, et ce par l’élimination du droit au retour, par l’élimination de sa résistance qui représente son arme pour la paix ». Ces propos en arabe sont intéressants au plus haut point, témoignant non seulement d’un discours d’un autre âge, mais démontrant surtout la duplicité des régimes libanais successifs, en particulier, et arabes en général.
En effet, le sort des Palestiniens a toujours été un problème pour les pays limitrophes d’Israël, l’Egypte, la Jordanie et par-dessus tout le Liban. Ces réfugiés, pour certains dans le pays du Cèdre depuis 1948, ont toujours posé un problème. D’abord pour la cause palestinienne : les « sédentariser » revenait à accepter la position israélienne qui ne les voyait pas comme des réfugiés, mais des résidents étrangers, légitimant du même coup la destruction des villages de Gaza et de Transjordanie. Ensuite, pour la sécurité intérieure du pays : le Liban n’avait pas la même tradition sécuritaire que le petit Roi de Jordanie qui, en septembre 1970, élimina par la force l’Etat dans l’Etat que représentaient les Palestiniens ; Cinq ans plus tard, ils projetaient le Liban dans une guerre non seulement civile, mais fratricide, dont le paroxysme fut atteint lors du siège de Beyrouth de juin 1982 (opération paix en Galilée) et le massacre des camps de Sabra et Chatila. Sur cette contradiction se fonde la duplicité de nombreux Etats arabes, fatigués voire impuissants à faire la guerre à l’ennemi sioniste, qui se défaussaient sur un statut de seconde zone pour les réfugiés et un discours tonitruant... lorsqu’il ne prêterait pas à conséquence.
L’application de cette résolution 1559 « transformerait le Liban en fer de lance pour poignarder la Syrie, seul pays à avoir aidé à arrêter la guerre civile » (1975-1990), a-t-il en outre ajouté. « C’est pour toutes ces raisons que le Liban demande l’application des résolutions du droit international non encore mises en vigueur à ce jour dans la région et plus particulièrement les résolutions 194, 242, 338 et ce qui reste de la 425 ». La résolution 194 de l’Assemblée générale de l’Onu pose le droit au retour des réfugiés palestiniens, dont quatre cent mille sont enregistrés au Liban, alors que les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité sont relatives au conflit israélo-arabe. Le Liban considère que l’application de la résolution 425 du Conseil de sécurité, votée en 1978, a été incomplète, car Israël maintient son occupation dans le secteur controversé des Fermes de Chebaa, aux confins du Liban, de la Syrie et du Liban. L’Onu estime au contraire que le retrait israélien en 2000 du Liban sud, après vingt-deux ans d’occupation a conduit à une application totale de la résolution 425 et que la question des Fermes de Chebaa, conquises par Israël sur la Syrie en 1967, doit être traitée séparément par des moyens diplomatiques.
L’alignement du général Emile Lahoud sur Damas est plus officiel que jamais. Le président libanais remercie ainsi ses maîtres d’avoir permis la prolongation de son mandat de trois années jusqu’en 2007, alors que son mandat de six ans touchait à sa fin. Le Parlement a été soumis à une forte pression pour maintenir le Liban sous la puissance de la Syrie. Le général Lahoud est très impopulaire auprès de nombreux groupes comme les chrétien-libanais dirigés par le Cardinal Nasrallah Sfeir et les Druzes dirigés par Walid Jumblat. Le 20 octobre 2004, il avait entraîné cet automne la démission du Premier ministre Rafic Hariri.
Celui qui a été le premier chef d’état-major de l’Armée libanaise d’après la guerre civile, suite aux accords de Ta‘if a toujours été l’homme lige des Syriens. Pendant le gouvernement de résistance du général Michel Aoun, il fit preuve de la plus grande lâcheté, se réfugiant à l’hôtel al Manar de Jounié à la moindre alerte, au point de devenir « le principal baromètre sécuritaire de nombreux commerçants » du lieu. Lorsque le représentant légal du Liban chercha à le faire arrêter pour avoir abandonner ses fonctions officielles pour préserver sa vie, il se réfugia à Beyrouth-ouest et se mit au service des Syriens. Il reçut d’abord le commandement des Forces armées libanaises, puis accéda à la présidence en 1998. Ce choix est celui de Bashar al Assad en personne. Cette nouvelle donne syrienne lésait les anciens affidés damascènes, Rafic Hariri et Nabih Berri, le président de la Chambre. Elle mettait également fin à la présidence d’Elias Rawi. Devenu l’homme fort du Liban, Emile Lahoud ne gouvernait en fait que par l’entremise de ses patrons syriens. Voilà qui lui permet de le démontrer brillamment…

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