10.1.05

Rififi à Belfast

Le 20 décembre dernier, Belfast connaissait le plus important cambriolage que la capitale de l’Irlande du Nord est connue. Plus de trente-six millions d’euros, soit quelque vingt-six millions de livres nord-irlandaises uniquement échangeables en Grande-Bretagne, disparaissaient du quartier général de la Northern Bank. La piste locale était d’emblée privilégiée. Les experts y avait rapidement vu l’œuvre d’un groupe paramilitaire, tant le professionnalisme affiché était impressionnant. Et en Irlande du Nord, ce ne sont pas les soldats sans combat qui manquent. Mais, très vite, c’est le nom de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) qui avait été évoqué. Pourquoi ? Au même moment, se jouent les dernières tractations pour relancer le processus de paix dont ne veulent pas les partisans d’Ian Paisley, le vieux chef des démocrates unionistes (DUP). Les Premiers ministres britannique et irlandais pensaient être parvenus à sceller un accord entre catholiques et protestants, notamment entre le Sinn Fein et le DUP, les partis les plus importants au sein de chaque communauté. Le dialogue achoppait sur les conditions imposées à l’IRA pour le démantèlement de son arsenal. Les preuves photographiques exigées par Ian Paisley étaient qualifiées d’« humiliantes » par l’IRA.
Vendredi, le chef de la police d’Irlande du Nord, le commissaire Hugh Orde, a définitivement écarté la possible résurrection de Martin Cahill, ce « robin des bois » dublinois, abattu par l’IRA en août 1994. Et d’accuser officiellement l’Armée républicaine irlandaise (IRA). Cette mise en cause est dénoncée par le numéro deux du bras politique de l’IRA, le Sinn Fein. Martin McGuinness a accusé « des éléments au sein du système britannique de vouloir utiliser ce cambriolage comme un prétexte pour détruire le processus de paix » entre catholiques et protestants en Irlande du Nord. Dans son message de Nouvel An, la direction de l’IRA avait également condamné les « tentatives de traiter ses militants en criminels ».
Effectivement, l’accusation est du pain béni pour le camp protestant. Les démocrates unionistes (DUP) en ont profité pour rompre les ponts avec le principal parti catholique. « Le dialogue est terminé avec le Sinn Fein, (...) nous continuerons sans eux », a déclaré le fils d’Ian Paisley. « Gerry Adams ( le chef du Sinn Fein) a personnellement trahi le Premier ministre », Tony Blair, a de son côté accusé David Trimble, chef du Parti unioniste d’Ulster (UUP) et premier ministre protestant d’Irlande du Nord jusqu’au gel du Parlement et du gouvernement de la province, en octobre 2002.
Réagissant aussitôt, un porte-parole du gouvernement britannique a affirmé que Tony Blair « prenait ces nouveaux développements très au sérieux », rappelant que le Premier ministre avait toujours insisté sur le fait que « les institutions politiques en Irlande du Nord ne pourraient être rétablies qu’après un arrêt complet des activités des paramilitaires, y compris les actes de banditisme ». Le Premier ministre irlandais, Bertie Ahern, a, pour sa part, parlé d’un « sérieux revers », craignant un enlisement du délicat dialogue entre protestants et catholiques destiné à remettre sur pied les institutions d’Irlande du Nord, nées des accords de paix d’avril 1998, dits "du Vendredi saint".

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