22.2.05

L’alliance satellitaire pour observer la Terre

A toute chose malheur est bon ! L’ampleur du tsunami du 26 décembre 2004 a semble-t-il servi à démontrer l’importance des moyens satellitaires pour aider les secours après le drame. Et après, on viendra encore nous parler de principe de précaution… Les agences spatiales avaient rendez-vous, le 16 février, à Bruxelles, avec la Commission européenne et l’Agence spatiale européenne (ESA), pour améliorer la coopération mondiale pour l’observation de la Terre. Premier acte concret de ce grand forum mondial, l’agence spatiale japonaise Jaxa a signé la charte internationale « Espace et catastrophes majeures » qui met à la disposition des secours les informations recueillies par les satellites d’observation. Cette charte a été créée en 2000 à l’initiative de l’ESA et du Centre national d’études spatiales (Cnes) français. Elle a été activée plus de soixante fois depuis sa création, notamment lors des séismes et des inondations de ces quatre dernières années.
Sans attendre que de nouvelles catastrophes ne frappent la planète, les pays et les agences spatiales réunies à Bruxelles ont également approuvé un plan destiné à « améliorer notre connaissance de la Terre et de son fonctionnement », autrement dit à communiquer entre-eux plus facilement. Ce plan, baptisé Geoss, doit mettre en place un réseau mondial des systèmes d’observation de la Terre pour les dix prochaines années, afin d’améliorer la coordination des initiatives prises au niveau des pays ou des agences internationales. Devraient bénéficier en premier lieu de ces données grâce à une meilleure gestion « les catastrophes, la santé, l’énergie, le climat, les ressources en eau, les écosystèmes, la biodiversité, l’agriculture et le contrôle de la désertification ».
De nombreux satellites comme l’européen Envisat ou l’américain Terra surveillent depuis longtemps l’état environnemental de la planète, mais leur programmation n’a pas fait l’objet d’une collaboration internationale. De plus, en juillet 2003, lors du premier Sommet de la Terre tenu à Washington, les « docteurs » de la planète avaient évoqué l’idée d’un tel réseau. Puis, en avril 2004 à Tokyo, les grandes lignes d’un programme décennal visant à sa réalisation avaient été jetées. Pour ce troisième Sommet de la Terre, présidé à Bruxelles par Achilleas Mitsos, directeur général de la recherche à la Commission européenne, un nouveau pas a été franchi avec l’adoption d’un plan d’action décennal posant les bases d’une coopération internationale en matière d’observation de la Terre. « Les problèmes d’ampleur mondiale requièrent des solutions planétaires », a affirmé Janez Potocnik, commissaire européen chargé de la Recherche. La coordination des efforts permettrait d’éviter des redondances inutiles ou de réduire l’intervalle entre deux survols d’une même région du monde. Une structure intergouvernementale, le Group on Earth Observations (GEO), coordonnera ce Geoss, dont la gestion a été confiée à un secrétariat installé à Genève dans les locaux de l’Organisation météorologique mondiale.
Quatre coresponsables dirigeront ce GEO : Achilleas Mitsos, Conrad Lautenbacher, sous-secrétaire d’Etat américain au commerce pour l’atmosphère et l’océan, et également administrateur de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), Akio Yuki, ministre de l’éducation, de la science et de la technologie du Japon, et Rob Adam, directeur général de la science et de la technologie de l’Afrique du Sud. Ce dernier a été chargé de représenter les pays en voie de développement, qui constituent une des cibles privilégiées du réseau Geoss.
Geoss "est un système ouvert à tous", où il n’existe pas d’obligations établies juridiquement, et destiné à coordonner et à améliorer ce qui existe. Le financement sera léger, car une grande partie sera fournie par les programmes d’observation de la Terre déjà existants. La gestion du GEO ne devrait pas coûter plus de deux millions et demi d’euros par an. La contribution européenne au réseau Geoss sera réalisée via le système GMES (Global Monitoring for Environment and Security), un ensemble de satellites qu’exploiteront en 2008 l’Agence spatiale européenne et l’Union européenne. Les bénéfices attendus sont considérables. A elle seule, l’installation du réseau européen GMES devrait permettre de réduire les dommages matériels, d’un montant estimé à soixante-quatorze millions d’euros. Un gain qui pourrait s’élever jusqu’à trois cent soixante-dix millions d’euros avec l’apport d’une meilleure compréhension des phénomènes terrestres, voire à un milliard d’euros lorsque tout le système sera opérationnel.
Pour surveiller la planète dans son ensemble, aucune solution n’est plus adaptée que le satellite. L’observation de la Terre est d’ailleurs l’une des grandes priorités spatiales de l’Europe, avec le futur système de navigation par satellite Galileo. La Commission européenne et l’Agence spatiale européenne ont lancé conjointement en 2001 une initiative appelée GMES (Global Monitoring for Environment and Security/surveillance globale pour l’environnement et la sécurité). Ce programme prioritaire de plusieurs milliards d’euros devrait permettre à l’Europe de se doter d’une capacité opérationnelle et autonome de surveillance de l’environnement d’ici à 2008. L’aspect « opérationnel » de ces futurs systèmes de surveillance de l’environnement représente l’un des plus grands enjeux du programme, puisque par le passé la plupart des satellites d’observation de la Terre étaient en fait des outils scientifiques expérimentaux, destinés avant tout aux chercheurs.
Les satellites météorologiques ont été les premiers systèmes réellement opérationnels, puisqu’ils fournissent en permanence des données exploitées directement par les utilisateurs. Les scientifiques, de leur côté, attendent beaucoup de ce réseau, car, disent-ils, « nous avons besoin de plus de synergie pour obtenir des informations plus efficaces ». « Cette synergie est le noyau dur de ce qu’on doit construire dans les dix prochaines années. Ce sera difficile. Il faudra du temps. Mais l’important est qu’il y ait un engagement politique, ce qu’on n’avait pas réussi à faire jusqu’à présent », a souligné Jean-François Minster, chef de la délégation française au Sommet de la Terre.
Dans un premier temps, Geoss sera centré sur des projets régionaux ne réclamant pas la mise en réseau totale des banques de données disponibles. On avancera pas à pas. Mais rien n’est possible sans que le traitement des données et leur transmission, mais aussi les modèles qui les utilisent, aient été améliorés pour être accessibles au plus grand nombre. Une tâche immense qui devrait conduire à l’adoption de standards, actuels ou nouveaux. Les systèmes d’observation de la Terre eux-mêmes devront être perfectionnés.

L’Afrique attend beaucoup des satellites

En marge de ce troisième Sommet de la Terre, la Commission européenne a annoncé la création d’un Observatoire spécifique pour l’environnement et le développement durable destiné à l’Afrique. Cette initiative permettra aux gouvernements et aux agences concernées de ce continent de recevoir les informations provenant des satellites d’observation susceptibles d’améliorer la gestion des secteurs agricole, forestier ou hydrologique.
Cet observatoire devrait utiliser les futurs moyens du système européen GMES, ce dernier prévoyant une coopération avec les pays en voie de développement, et notamment avec l’Afrique. L’un des projets de GMES, l’Amesd (surveillance de l’environnement et développement durable en Afrique), a pour objectif d’aider les pays africains à mieux gérer leurs ressources naturelles en leur fournissant les informations appropriées sur leur environnement. Ce projet complète le programme PUMA, initié par Eumetsat (Organisme européen pour l’exploitation des satellites météorologiques) et financés en grande partie par l’Union européenne. Il permettra aux cinquante-trois Etats africains de bénéficier de l’installation de stations de réception des satellites météorologiques de seconde génération (MSG) — et notamment de Météosat-8 — à la place de celles utilisées actuellement.
Comportant chacune une antenne et deux micro-ordinateurs, ces stations seront situées principalement près des aéroports ou dans les villes et seront utilisées par un personnel formé par Eumetsat. Tout le continent africain devrait être équipé d’ici fin septembre. Travaillant en réseau, les stations pourront, à terme, capter les données provenant des satellites Eumetsat, Spot, Envisat et Sentinelle (GMES).
D’une manière générale, l’Afrique attend beaucoup des informations provenant des satellites d’observation. Les données fournies par Geoss pourraient, par exemple, promouvoir le projet de la Cicos. En créant cette commission, quatre pays — le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo et la République démocratique du Congo — ont décidé d’instituer un régime fluvial uniforme du bassin Congo-Oubangui-Sangha. Ils veulent améliorer la navigation sur les fleuves Congo, Oubangui et Sangha, qui sont ensablés et pollués et ne disposent pas de balises en nombre suffisant. Un projet d’autant plus indispensable que ces voies navigables, situées dans une zone de forêt tropicale humide, servent de moyen de transport aux populations et aux marchandises.

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Les huit domaines pouvant profiter de Geoss


Le système Geoss devrait permettre aux populations de mieux gérer leur environnement et leur mode de vie en agissant sur nombre de domaines :
* L’agriculture, grâce à une meilleure connaissance des sols et de l’hydrologie.
* L’eau, grâce à une meilleure connaissance de son cycle et une gestion plus rigoureuse de ses ressources.
* Les écosystèmes dont les ressources terrestres, marines et côtières sont une mine en matière de faune et de flore, et bien sûr de nourriture.
* Le climat, en évaluant les conséquences locales du réchauffement climatique.
* La météorologie, en fournissant des prévisions plus précises et à plus long terme.
* L’énergie, en jouant de ses différentes sources.
* La santé, grâce à une meilleure compréhension des facteurs qui provoquent maladies et épidémies.
* Les catastrophes naturelles, en tentant par avance de réduire leur impact.

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