14.2.05

L'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri est mort dans un attentat à Beyrouth

LEMONDE.FR | 14.02.05 | 13h28  •  MIS A JOUR LE 14.02.05 | 17h59

Une forte explosion s'est produite dans la capitale libanaise, lundi 14 février, au passage d'un cortège de voitures officielles qui comprenait notamment Rafic Hariri. L'attentat a été revendiqué par un groupe syrien inconnu, alors que les condamnations internationales étaient unanimes.
L'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri a été tué, lundi 14 février, dans un attentat à l'explosif à Beyrouth qui a fait neuf morts. Annoncée par un employé de l'Hôpital de l'université américaine de Beyrouth (AUH) et les grandes chaînes de télévision libanaises, cette information a ensuite été confirmée par l'agence d'informations officielle libanaise.
M. Hariri, milliardaire et responsable politique bénéficiant d'une notorité internationale, avait été évacué peu après l'explosion, vers l'Hôpital de l'université américaine de Beyrouth où il a été admis dans un service des soins intensifs, a-t-on précisé auprès de l'administration de l'établissement.
Au moins neuf personnes ont été tuées et une centaine blessées dans l'explosion qui s'est produite lors du passage du convoi de l'ancien premier ministre dans un quartier résidentiel situé près du front de mer où se trouvent plusieurs grands hôtels.
Parmi les personnes décédées figure également au moins un des gardes du corps de M. Hariri, Haya al-Arab, selon la chaîne de télévision privée libanaise LBC. La mort de deux anciens ministres libanais, Samir al-Jisr et Bassel Fleihane, a également été annoncée par LBC, avant que l'information soit démentie, M. Fleihane n'étant que blessé et M. Jisr sain et sauf.
L'explosion, qui, selon une autre chaîne de télévision libanaise, pourrait avoir été causée par une voiture piégée, a provoqué d'énormes dégâts et laissé dans la rue des corps calcinés et des véhicules en feu. Dans la zone de l'explosion, les forces de sécurité libanaises ont installé un cordon de sécurité. Une épaisse colonne de fumée noire s'élevait des lieux et des flammes de plusieurs mètres de haut empêchaient les gens d'approcher des victimes dans les voitures en feu.
Des pans de murs de bâtiments du quartier sont totalement détruits. Un grand nombre de blessés ont été transportés à l'hopital à bord d'ambulances toutes sirènes hurlantes. L'explosion a provoqué un cratère de plusieurs mètres dans la chaussée, les autorités évoquant l'utilisation de 350 kg d'explosifs. Plusieurs banques, dont le siège de la HSBC, ainsi que des hôtels sont concentrés dans ce secteur très passant, bondé à cette heure.
Le premier ministre libanais, Omar Karamé, s'est rendu sur les lieux de l'explosion, de même que d'autres députés qui ont interrompu une séance du Parlement, selon les télévisions libanaises.
Un groupe islamiste inconnu a revendiqué lundi l'assassinat de M. Hariri en raison de ses liens avec l'Arabie saoudite, selon un enregistrement vidéo diffusé par la chaîne qatarie Al-Jazira. "Pour le bien de nos frères Moudjahidine en Arabie saoudite (...) nous avons décidé d'exécuter comme il se doit ceux qui soutiennent ce régime", indique un homme lisant un message au nom du Groupe pour la victoire et le djihad en grande Syrie [Syrie, Liban, Jordanie et Palestine].

A LA TÊTE DE CINQ GOUVERNEMENTS

Le président syrien, Bachar al-Assad, a dénoncé le "terrible acte criminel qui a coûté la vie à des citoyens libanais, notamment à l'ex-premier ministre Rafic Hariri", a rapporté l'agence officielle syrienne Sana. "Le gouvernement et le peuple syrien se placent aux côtés du Liban frère dans cette situation dangereuse et adressent à la famille de M. Hariri ainsi qu'aux familles des [autres] victimes leurs sincères condoléances", a ajouté le président syrien. Le président syrien a jugé "la situation dangereuse et demandé au peuple libanais de renforcer son unité nationale et de dénoncer ceux qui veulent jeter le trouble et semer la division" parmi les Libanais.
Le ministre israélien des affaires étrangères, Sylvan Shalom, a désigné du doigt, comme possible responsable, la Syrie dans cet attentat. "Je ne peux dire avec certitude que la Syrie est derrière cet attentat, mais il y a dans la région beaucoup de groupes qui auraient pu le commettre", a déclaré le ministre, en allusion à des mouvement soutenus par Damas, lors d'une interview téléphonique à la radio militaire israélienne, à partir de Paris. "Il ne fait aucun doute que la Syrie, qui soutient le Hezbollah (chiite), le Hamas, le Djihad islamique et d'autres groupes qui s'opposent à un processus de démocratisation au Proche-Orient, n'est pas à l'aise avec la prochaine tenue d'élections au Liban. Et la dernière chose qu'elle souhaite, c'est d'être forcée à quitter le Liban", a-t-il ajouté.
Téhéran a lui aussi condamné "avec vigueur" l'attaque et a appelé à la préservation de la stabilité du pays, avant de s'en prendre à Israël. La République islamique "demande au peuple et au gouvernement libanais de se montrer vigilants face aux complots de leurs ennemis et de préserver la sécurité et la stabilité de leur pays", a déclaré dans un premier temps le porte-parole des affaires étrangères, Hamid Reza Assefi, cité par l'agence estudiantine Isna. "Une organisation terroriste, telle que le régime sioniste, a la capacité d'une telle opération, dont l'objectif est de porter atteinte à l'unité du Liban", a-t-il ensuite déclaré, en appelant les Libanais "à faire preuve de retenue et de vigilance (...) afin d'empêcher que le régime sioniste ne mène à bien ses projets sinistres et expansionnistes dans la région". Le régime islamique a toujours glorifié la "résistance" libanaise à Israël et soutient l'organisation chiite du Hezbollah, tout en se défendant de l'armer et de le financer.

UNE PRÉSENCE SYRIENNE CONTESTÉE

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a dénoncé l'attentat et mis en garde contre ses conséquences sur le Liban. "Nous implorons Dieu de garder le Liban des graves retombées que pourrait avoir ce dangereux acte terroriste", a déclaré M. Moussa aux journalistes. Le secrétaire général a exprimé sa "profonde tristesse et sa douleur pour la mort d'une grande personnalité arabe et d'une personnalité libanaise et internationale exceptionnelle".
L'Autorité palestinienne a fermement condamné lundi l'attentat, dénonçant "un crime contre le peuple libanais, un coup porté à la stabilité du Liban, un pays pour lequel nous avons beaucoup de respect et d'estime", a déclaré Nabil Abou Roudeina, conseiller à la présidence de l'Autorité palestinienne.
La France a, de son côté, condamné l'attentat "avec la plus grande fermeté" et demande une enquête internationale. "La France rend hommage à celui qui incarnait la volonté indéfectible d'indépendance, de liberté et de démocratie du Liban", ajoute le communiqué de la présidence française.
La Maison Blanche a pour sa part condamné l'attentat et demandé que le peuple libanais puisse vivre dans un pays "libre de l'occupation syrienne".
M. Hariri avait démissionné début octobre de son gouvernement. Musulman sunnite, il avait fait fortune en Arabie saoudite avant de se passionner pour la politique et d'accéder au pouvoir au Liban pour la première fois en 1992. M. Hariri, qui avait formé cinq gouvernements entre 1992 et 2004, s'était accommodé tant bien que mal des règles du jeu imposées par Damas, qui exerce sur son petit voisin occidental une influence sans partage et y maintient toujours quelque 15 000 soldats.
Les explosions à Beyrouth, courantes dans les années de la guerre civile de 1975 à 1990, sont devenues rares depuis la fin du conflit. Cependant en octobre, alors que les tensions étaient croissantes entre l'opposition et le gouvernement, l'explosion d'une voiture piégée a sérieusement blessé un homme politique de l'opposition et tué son chauffeur à Beyrouth.

Avec AFP, AP et Reuters

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