20.4.05

Petites conversations entre amis...

Les « révolutions » survenues dans l’espace ex-soviétique ont quelque peu refroidi les relations entre Washington et Moscou. Et la visite de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, aujourd’hui et demain, avant de se rendre en Lituanie pour une réunion informelle de ministres des affaires étrangères de l’OTAN, ne devrait pas les réchauffer.
Les événements de Géorgie, d’Ukraine et du Kirghizstan avaient été saluées par l’administration américaine comme une progression de la démocratie dans le monde, thème central du second mandat de George W. Bush, tandis que le Kremlin les avait stigmatisées comme des « désordres » provoqués dans le but de réduire la sphère d’influence russe. La visite de Condoleezza Rice, si elle fait suite à ses deux précédentes tournées mondiales, n’intervient pas moins près de deux mois après une acrimonieuse rencontre Bush-Poutine à Bratislava. Les questions de la liberté des médias et de la concentration des pouvoirs en Russie avaient été vigoureusement débattues. La secrétaire d’Etat américaine devrait revenir sur ces sujets douloureux pour la Russie, puisqu’elle a confirmé vouloir placer le thème de la démocratie au cœur de ses entretiens avec le président russe. Mais le but officiel de ce déplacement est de préparer la venue de George Bush le 9 mai dans la capitale russe, à l’occasion des cérémonies marquant le 60e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, après avoir visité la capitale de la Lettonie, Riga, où il s’entretiendra avec les présidents des trois Etats baltes, devenus membres de l’OTAN et de l’Union européenne en 2004. La président américain se rendra ensuite, le 10 mai, en Géorgie, effectuant la première visite d’un président américain dans cette République du Caucase, où les Etats-Unis financent et entraînent l’armée locale. Surtout, ce séjour confirma l’importance de ce pays dans la stratégie américaine en prévision de l’entrée en fonction de l’oléoduc Bakou-Ceyhan, reliant les champs pétrolifères de la mer Caspienne à un terminal en Turquie, en traversant le territoire géorgien. Ce projet, soutenu par les Etats-Unis, permettra une évacuation du pétrole d’Asie centrale en contournant la Russie.
Les analystes russes affirment que la visite de Condoleezza Rice à Moscou mènera à une décrispation des relations bilatérales, mettant l’accent sur la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire. Mais les grandes manoeuvres géopolitiques se sont ravivées dans l’espace ex-soviétique. Washington entend en effet affirmer son poids et ses projets énergétiques, après avoir déployé en 2002 des bases militaires en Asie centrale, et soutenu par divers programmes d’aides les « révolutions démocratiques ».
Le secrétaire américain à la défense, Donald Rumsfeld, a déjà effectué, le 12 avril, une visite (sa troisième en quinze mois) en Azerbaïdjan, république où des élections législatives se tiendront en novembre, et où le Pentagone négocie la création d’un centre opérationnel pour une « force de réaction rapide », impliquant les pays riverains de la Caspienne et chargée d’assurer la sécurité des infrastructures pétrolières, notamment par un suivi des navires opérant dans la région. Selon le Wall Street Journal, les Etats-Unis sont prêts à dépenser jusqu’à cent millions de dollars pour cette « Garde de la Caspienne », qui touche à une zone stratégique. L’endiguement de l’Iran est aussi en pointe dans ce projet.
Le conseiller de M. Bush pour l’ex-URSS, Steven Mann, s’est quant à lui rendu, début avril, à Tbilissi pour « dissuader » (selon des officiels locaux) la Géorgie de privatiser son réseau de gazoducs au profit de la société étatique russe Gazprom, y voyant un danger pour la « souveraineté » de la république caucasienne. Mais dans ce petit exercice de diplomatie gazière, il semble que Moscou dispose d'arguments plus que convinquant...
Parallèlement, une alliance régionale nouée en 1997, sous l’égide des Etats-Unis, entre quatre républiques ex-soviétiques cherchant à prendre leurs distances avec Moscou est sur le point d’être ravivée. Le regroupement régional GUAM, acronyme désignant l’union entre la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie, tiendra le 22 avril à Chisinau son premier sommet depuis deux ans.
Les discussions porteront notamment sur « un renforcement des efforts communs contre le séparatisme et pour la sécurité territoriale », alors que le Kremlin continue de soutenir, dans trois de ces républiques, des enclaves autoproclamées indépendantes (Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabakh, Transnistrie). Les négociations sur un retrait complet des troupes russes stationnées en Géorgie processus appuyé par Washington ont débouché la semaine dernière sur une nouvelle impasse.

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