Cinq irakiens ont avoué dimanche l’enlèvement et le meurtre de Margaret Hassan, enlevée le 19 octobre 2004 en Irak, a annoncé une source du ministère de l’Intérieur. Les cinq ravisseurs ont été arrêtés dimanche matin au sud de Bagdad.
« Des forces de police et des commandos (irakiens) soutenus par des soldats américains ont lancé un raid dans la zone de Jaara, au sud de Bagdad. Ils ont saisi des armes légères, arrêté six hommes armés et trouvé un sac, des documents et des vêtements appartenant à Margaret Hassan ». Sur onze irakiens interpellés au cours de cette opération, « cinq d’entre eux ont reconnu l’enlèvement et le meurtre de Margaret Hassan », a indiqué la source, ajoutant que les six autres avaient « un lien avec cette affaire ».
« Nous savons qu’un raid a été mené et que l’on a récupéré des objets dont nous pensons qu’ils peuvent avoir appartenu à Margaret Hassan », a dit Martin Cronin, premier secrétaire de l’ambassade de Grande-Bretagne. « Des éléments permettent raisonnablement de croire qu’il s’agit d’objets appartenant à Mme Hassan (…) Mais nous ne pouvons pas le dire catégoriquement avant que nos policiers aient fini leur enquête. »
La brièveté de l’information en dit long sur les intentions de cette source du ministère irakien de l’Intérieur, qui en fait cache le gouvernement al Jaafari. Il lui fallait bien, pour inaugurer enfin son ministère, un succès dans sa lutte contre la guérilla. Or, le week-end s’est passé dans les explosions. Aussi, l’arrestation des assassins de l’otage dont on n’a pas encore retrouvé le corps devait permettre de détourner l’attention.
Mais le communiqué est trop laconique. Personne n’a été mis au courant, ni l’ambassade britannique, ni le mari. Seulement les médias. On aurait aimé savoir qui étaient ces hommes, à quelle tribu ils appartenaient, dans quelle mouvance ils œuvraient. Mais ces informations ne viennent pas. Alors que les attentats portaient forcément la marque de Zarqawi, les autorités américano-irakiennes ne mentionnent pas ce nom.
Pendant ce temps, un rapport sur les « opérations de stabilisation » menées de mai 2003 à décembre 2004, rédigé par le Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF) que dirige le général Gérard Bezacier, fait l’objet d’un numéro spécial de la revue « Doctrine ». Il en ressort que les tactiques des forces américaines ont évolué à la lueur de l’expérience, mais que les erreurs des premiers mois ont eu de lourdes conséquences. Pour les militaires français, la grande faiblesse des opérations américaines de lutte contre le terrorisme a été le problème du renseignement de contre-guérilla. Le principal frein apparaît comme d’ordre culturel : « La spécialisation des armes au sein de l’US Army fait que le soldat ne se considère pas comme un capteur d’informations. La communauté du renseignement a toujours affiché un goût prononcé pour le renseignement d’origine technique, au détriment du renseignement humain ». Le personnel de la communauté militaire du renseignement est peu formé au traitement d’indicateurs ou de prisonniers civils. Lorsqu’ils ont compris leur erreur, les Américains ont fait venir des équipes du FBI pour conseiller les forces sur le terrain.
Cette difficulté à se remettre en question est illustré par l’attitude du haut commandement américain de ne pas changer de méthodes entre la fin du conflit et la phase de « stabilisation ». De plus, la tactique du quadrillage du terrain à partir de grandes bases protégées, « sortes de "forts" au "milieu du territoire indien" », s’est révélée contre-productive : « L’attitude rigide de ces patrouilles, la mise en joue systématique des passants, les conversations sans ôter ses lunettes noires, la barrière de la langue » rendent le volet « immersion dans la population » très artificiel, peut-on lire notamment.
Parallèlement, la méconnaissance du milieu et la faiblesse d’un système de renseignement, qui n’a pas encore fait sa mue contre-insurrectionnelle, rendent ces opérations souvent désastreuses. « Il s’agit souvent de grands bouclages de zones où, avec des haut-parleurs crachant du hard rock, les soldats pénètrent en force dans des maisons et raflent en masse les hommes. Ils bafouent ainsi simultanément des traditions complexes d’hospitalité, l’honneur des hommes en les humiliant devant leur famille, la sainteté de certains lieux en y pénétrant en armes, etc », indique la revue.
Les Britanniques ont manifesté dès le départ le souci d’établir de bonnes relations avec la population : « Les manières sont courtoises et les armes sont tournées vers le bas, ce qui n’empêche pas les réactions immédiates en cas d’agression, suivant le slogan : "Smile, shot, smile˜ ("Souris, tire, souris˜) ». Contrairement aux Américains, ils estiment que leur accessibilité, et donc leur vulnérabilité apparente, leur procure une sécurité indirecte supérieure grâce à une meilleure image dans la population.
Peu à peu, le haut commandement américain mesure que les « terroristes » sont plus nombreux et beaucoup mieux organisés que prévu. « Face à cette menace, relèvent les experts français, la seule voie possible était l’extermination complète. On en revient ainsi au "body count˜ -décompte des morts-...D’une part, il n’était pas question de négocier avec le "Mal˜ et, d’autre part, dans la logique protestante, on naît "bad guy˜ -mauvais garçon- plutôt qu’on ne le devient. Il suffit donc de mettre suffisamment de moyens pour les éradiquer. »
Les Américains ont cependant vite découvert que leurs effectifs étaient insuffisants : pour avoir le même taux d’occupation en Irak qu’en Bosnie, il aurait fallu 364 000 hommes. Pour atteindre celui du Kosovo, il en aurait fallu 480 000. Or les troupes de la coalition sont d’environ 160 000 hommes. De plus, les tactiques employées sont souvent contradictoires. Alors qu’une division pratique une approche « britannique », l’autre procède « à l’israélienne » : destruction de maisons, arrestation des familles, ripostes de l’artillerie aux attaques de mortier etc.
Avec un taux moyen d’un, puis de deux morts par jour, la situation des troupes américaines en Irak est encore loin de ressembler à celle du Vietnam (20 morts quotidiens de 1965 à 1972), ni à celle de l’armée française en Algérie (9,6 morts par jour pendant sept ans).
Dans sa stratégie de « siège de la ville », l’US Army emploie ce que certains officiers nomment des « colonnes infernales » — en souvenir des méthodes du général Sherman durant la guerre de Sécession — qui sont des phalanges interarmes très fortement blindées et appuyées par des bombardements. Toutes les unités américaines ont, d’autre part, augmenté le nombre de leurs tireurs d’élite, et les drones armés sont de plus en plus employés.
Le goût prononcé des Américains pour les solutions technologiques se manifeste à Falûja : la division des marines qui prônait à son arrivée sur le sol irakien l’imbrication avec la population et le « gant de velours », est en train de faire l’inverse, en mettant en place dans cette ville « des "centres de traitement des citoyens" où tous les hommes de la ville vont subir un test ADN, un enregistrement vocal, un scan des pupilles et des empreintes digitales. Les banques de données obtenues sont reliées à celles du FBI et de la CIA. Ils — les habitants masculins — devront porter sur eux en permanence une carte d’identité spéciale et n’auront plus le droit d’utiliser de voiture personnelle, arme favorite des kamikazes ».
2.5.05
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