24.6.05

Enfin, la « liste noire »

On le savait depuis quelques jours déjà. Des noms de personnalités politiques libanaises à abattre, figurant sur une « liste noire », circulent de bouche à oreille à Beyrouth. Puis, le chef druze, le député Walid Joumblatt, a pris les devants en annonçant son testament. Depuis plusieurs semaines, il se dit « menacé ». Aussi a-t-il appelé les membres de sa communauté à agir de façon rationnelle s’il venait à être assassiné.
« Si le destin me choisit, j’appelle les habitants de la montagne à agir rationnellement et non comme ils l’ont fait le 16 mars 1977 », a-t-il déclaré mercredi soir, faisant référence au massacre de plusieurs dizaines de chrétiens par les druzes, qui voulaient alors venger l’assassinat de son père, Kamal Joumblatt, influente figure socialiste du Liban. « Une liste des hommes politiques à assassiner circule (…). Je ne connais pas les noms qui figurent sur cette liste. Je ne sais pas si le mien y est, mais ce serait un honneur pour moi d’être une cible pour les ennemis de la démocratie », a dit le député Elias Attallah (59 ans), secrétaire général de la Gauche démocratique, et un des animateurs des manifestations pacifiques du printemps en faveur du départ de l’armée syrienne, après l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri.
Le journaliste et écrivain Samir Kassir, membre de la Gauche démocratique, a été tué le 2 juin à Beyrouth dans sa voiture. D’autres noms de personnalités libanaises visées circulent de bouche-à-oreille à Beyrouth. Ils sont évoqués d’une façon allusive par des radios. Sur France 5, le rédacteur en chef des « Cahiers de l’Orient », Antoine Sfeir, évoquait la possibilité que des personnalités françaises y figurent aussi. Les Etats-Unis ont également fait état de rapports parlant de « listes noires » établies par les Syriens pour éliminer des opposants à la présence de Damas au Liban, avait indiqué vendredi dernier le porte-parole de la Maison Blanche Scott McClellan. « Il y a des rapports dont nous entendons parler depuis un certain temps sur des listes noires syriennes visant l’assassinat de personnalités libanaises politiques et religieuses d’importance », avait-il dit lors d’un point de presse. L’information avait été démentie deux jours après par l’ambassadeur de Syrie à Washington Imad Moustapha, sur la chaîne de télévision CNN.
La « série noire » des attentats a commencé par une tentative d’assassinat manquée ayant visé le député et ancien ministre Marwan Hamadé en octobre dernier. Elle s’est poursuivie par l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri et du député Bassel Fleyhane, tués le 14 février à Beyrouth. Après Samir Kassir, l’ex-dirigeant du Parti communiste libanais (PCL), Georges Hawi, a été assassiné le 21 juin dans des conditions identiques. M. Hamadé a invité jeudi les députés « à ce que chacun prenne ses précautions », lors d’une réunion de la nouvelle majorité à Beyrouth. Nabil Hawi, a affirmé à une radio que son frère Georges Hawi « était en possession d’une liste de personnalités politiques à liquider, qu’il n’a pas révélée ». La Syrie et ses services de renseignement sont accusés par l’ex-opposition libanaise (sortie victorieuse des législatives qui se sont déroulées du 29 mai au 19 juin) d’être derrière ces assassinats.
La crise politique déclenchée par la prorogation du mandat du président Emile Lahoud, en septembre, sous la pression de Damas, « a été le point de départ de la série d’actes terroristes qui ne prendra fin qu’avec sa démission », affirme M. Attallah, qui en appelle au Conseil de sécurité de l’Onu. La présidence libanaise a qualifié les accusations de l’opposition de « fausses et pernicieuses ».

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