16.6.05

Jean-Claude Juncker, le doyen du Conseil européen au secours de l'Union divisée

LEMONDE.FR | 16.06.05 | 13h17  •  Mis à jour le 16.06.05 | 13h27

Avec son humour grinçant, son franc-parler et ses colères feintes, le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, 51 ans, qui assure depuis le 1er janvier la présidence de l'Union, est l'homme-clé des négociations de Bruxelles. Cet Européen historique, issu de la tradition démocrate-chrétienne et doyen du Conseil européen, est écouté de ses pairs, qui l'apprécient assez pour lui avoir proposé la tête de la Commission. Mais il a refusé le poste pour rester fidèle, a-t-il dit, à ses électeurs qui venaient de le reconduire à la tête du gouvernement du Grand-Duché. On le soupçonne aussi d'avoir songé, pour lui-même, à la prestigieuse fonction de président de l'UE créée par la Constitution européenne. Le rejet du traité en France et aux Pays-Bas rend cette perspective incertaine.
M. Juncker a été surpris et déçu par cette double défaite du oui. Il a participé activement à la campagne référendaire en France, n'hésitant pas à affirmer que l'idée d'une renégociation était, selon lui, " d'une naïveté criante" ou qu'en cas de non, il faudrait revoter. Les partisans du non lui ont reproché aussi d'avoir dit, quelques jours avant le scrutin : " Si c'est oui, nous dirons : on poursuit ; si c'est non, nous dirons : on continue." Henri Emmanuelli l'a même accusé de vouloir " contester le suffrage universel". Par respect pour ce même suffrage universel, le premier ministre luxembourgeois a pourtant annoncé qu'il quitterait son poste si le non l'emportait au Luxembourg, le 10 juillet. " C'est une affaire de décence élémentaire vis-à-vis des électeurs", a-t-il dit.

Lorsqu'il a pris la présidence de l'Union, le 1er janvier, pour six mois, M. Juncker a exprimé la crainte que l'Europe ne s'enlise " dans un immobilisme relatif" sous la pression des référendums. Il a tenté de faire mentir ce " pressentiment" en s'attaquant à quelques dossiers difficiles. Sa première priorité était la révision de la " stratégie de Lisbonne", qui vise à accroître la compétitivité de l'Union. Mission accomplie au précédent Conseil européen, il y a trois mois. La deuxième priorité portait sur la réforme du pacte de stabilité. M. Juncker, avec sa double casquette de président de l'Eurogroupe depuis un an et de président de l'Union, a mené à bien cette difficile négociation.

INLASSABLE PATIENCE

Il a su retisser les liens entre le couple franco-allemand et les petits pays, furieux de voir Paris et Berlin bafouer ce pacte, que l'ancien président de la Commission Romano Prodi avait jugé " stupide". Le pacte a été réformé en dépit des protestations de la Banque centrale européenne.
La troisième priorité concernait le budget pluriannuel de l'Union, qui divise les Vingt-Cinq. " Si nous ne nous mettons pas d'accord en juin, nous serons dans l'incapacité absolue de préparer les politiques dont nous avons besoin sur la période 2007-2013", a déclaré M. Juncker en janvier. Le voici au pied du mur. Armé de son inlassable patience, il a multiplié les contacts, les rencontres, tenté de renouer les fils du dialogue, rassuré les uns, menacé les autres, remis cent fois son ouvrage sur le métier. M. Juncker est sans doute aujourd'hui le meilleur négociateur que pouvait se donner l'Union. Son échec soulignerait l'ampleur de la crise.

T. F.

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