14.6.05

Retour sur Didier Julia

L’accusation de Serge July, directeur de la publication « Libération », fait ressurgir le mystérieux docteur Julia à la Une de l’actualité, après la libération de Florence Aubenas. Au point que certains n’hésitent pas à en faire une barbouze, un ancien du 11e Choc. Ses « informations » sur les ravisseurs de Florence Aubenas et de son guide-interprète, Hussein Hanoun al-Saadi, n’ont pas été jugées crédibles par les services de renseignement français. Son audition devant deux responsables de la DGSE, un amiral et un expert du dossier, a renforcé le doute, né de son intervention spectaculaire dans les négociations pour la libération de Georges Malbrunot et de Christian Chesnot, sur la vraie nature des liens du député de Seine-et-Marne en Irak. Pour bien marqué sa différence avec lui, en solidarité, tout le groupe UMP, sur les conseils pressants de ses dirigeants, lu a demandé de se mettre « en congé ». Il est vrai que le représentant de Fontainebleau irritait passablement ses collègues depuis trente-cinq ans qu’il est élu.
Cet orientaliste manqué, docteur en philosophie, passionné d’archéologie sans en avoir vraiment fait depuis qu’il a fini ses études, a découvert la grande politique lors de son entrée à la prestigieuse commission des Affaires étrangères. Il en devient le vice-président de 1970 à 1972, ce qui lui permet de rencontrer la reine d’Angleterre, lors d’une réception au château de Versailles, ou le Cambodgien Norodom Sihanouk et le Premier ministre chinois, Zhou Enlai, lors d’une visite à Pékin. Puis, huit ans durant, il est délégué national du RPR aux DOM-TOM, où il accompagne régulièrement Jacques Chirac. Il suivra ensuite Balladur dans son aventure sans retour. Ses aventures au Proche et du Moyen-Orient, dont il se dit « spécialiste », sont suffisamment troubles pour le soupçonner d’être une barbouze. Seulement si on l’écoute. Ne dit-il pas avoir rencontré à la grande bibliothèque de Bagdad Tarek Aziz, ministre des Affaires étrangères, vice-Premier ministre irakien et caution chrétienne de Saddam Hussein. Quand on lui demande plus de précisions, il se montre plus vague : « Il y a une dizaine d’années. »
Aucun des nombreux diplomates, politiques et hommes d’affaires travaillant avec l’Irak ne se souvient pourtant de lui. Le député a une réponse à cela : « Avec mes manières, je ne pointe pas à l’ambassade de France. Je n’ai jamais respecté le protocole, c’est vrai, car j’y allais pour raisons personnelles. » « Soit c’est un gogo, soit c’est un homme de l’ombre qui se déploie tellement dans l’ombre qu’on ne l’a jamais vu », raille de son côté Roselyne Bachelot, qui fut présidente du groupe d’études sur l’Irak de l’Assemblée nationale de 1993 à 2002. Encore une fois, Didier Julia a une réponse : « Mon implication politique en Irak est récente ».
Il est vrai que le député apparaît pour la première fois à Bagdad en septembre 2002. Il est l’un des trois parlementaires UMP, avec Thierry Mariani et Eric Diard, invités par l’Office français pour le développement de l’industrie et de la culture (Ofdic) à faire du lobbying en Irak. Ce voyage déclenche l’ire des autorités françaises, tandis que la petite délégation est traitée avec tous les honneurs à Bagdad… Ce n’est qu’à cette occasion qu’il rencontre Philippe Brett, alors qu’il prétend le connaître depuis plus de dix ans. Cet ancien garde du corps du n° 2 du Front national, Bruno Gollnisch, secrétaire général de l’Ofdic, est un rouleur de mécaniques, un bonimenteur notoire. Il est toutefois réputé avoir eu des liens avec Oudaï Hussein, le fils psychopathe du dictateur irakien.
Mais Didier Julia n’a aucune responsabilité dans ce voyage. C’est Thierry Mariani qui est invité par l’Ofdic. Mais le député de Vaucluse prend rapidement ses distances. Restait alors Julia… Outre une réelle sympathie pour les Irakiens, ce gaulliste a une certaine attirance pour le régime baasiste, incarnation d’un modèle panarabe, laïque et moderne, de résistance à la suprématie américaine. L’offre qui lui est faite est de celle qu’il ne peut refuser. Dès lors, se tissent d’étroites relations qui amène le député à tenter de prendre, en octobre 2002, la présidence du groupe d’études sur l’Irak, dont il n’est membre que depuis peu. Le 27 février 2003, malgré les avertissements, à la veille de l’attaque américaine, il effectue, accompagné de Brett, un second voyage à Bagdad. Le but officiel est de mettre en sûreté les richesses du Musée archéologique avant les frappes de l’US Air Force. « Il y avait aussi un aspect politique et stratégique, révèle Julia. Convaincre les Irakiens de se débarrasser de leurs missiles al Abbas II, d’une portée supérieure au rayon d’action toléré par les Occidentaux. » Les Irakiens l’auraient même invité à un essai de tir pour prouver qu’il n’en était rien. Une nouvelle fois, cette visite est condamnée par l’Elysée.
Puis survient la première affaire des otages français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Julia et Brett, auquel s’adjoignent un troisième personnage, Philippe Evanno, chercheur en histoire moderne, décident de partir pour les libérer. Les circonstances de leur fiasco ont déjà été racontées. Comme l’a été son désaveu public après l’appel désespéré de Florence Aubenas et son interpellation dans l’hémicycle par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Nul doute que la conférence de presse de la journaliste de « Libération » apportera plus d’éclaircissements.

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