20.6.05

Un couac dans le voyage de Condoleezza Rice en Israël

700 logements supplémentaires dans des colonies

Jérusalem : de notre correspondant Patrick Saint-Paul
[Le Figaro, 20 juin 2005]

La presse israélienne avait présenté la tournée de Condoleezza Rice en Israël et dans les Territoires palestiniens comme une simple «visite d'entretien». La secrétaire d'Etat américaine était venue encourager les deux parties, au bord de la rupture, à coordonner ensemble le retrait israélien de la bande de Gaza et de quatre colonies de la Cisjordanie, prévu cet été, et qui est devenu la priorité de la diplomatie américaine au Proche-Orient. Le but est d'œuvrer pour que ce retrait ne soit pas le prélude à une nouvelle vague de violences israélo-palestiniennes, et pour qu'il marque au contraire le début de la reprise du processus de paix israélo-palestinien. Elle a eu droit à un condensé désespérant des difficultés à surmonter.
Samedi, à Ramallah, où elle a rencontré les dirigeants de l'Autorité palestinienne, Condoleezza Rice a fermement mis en garde l'Etat Hébreu contre l'extension des colonies juives dans les Territoires palestiniens, et appelé Israël à «des mesures substantielles» en faveur des Palestiniens. Ariel Sharon a annoncé à plusieurs reprises que son plan de désengagement était un moyen de renforcer l'emprise israélienne sur les colonies de Cisjordanie. Les projets d'extension de plusieurs colonies, notamment autour de Jérusalem, où les Palestiniens espèrent établir la capitale de leur futur Etat dans sa partie orientale, menacent de provoquer un nouveau soulèvement palestinien.
Hier, avant son entretien avec le premier ministre israélien, Condoleezza Rice avait qualifié le retrait «d'étape historique qui pourrait conduire au règlement du conflit israélo-palestinien et permettre la solution de la coexistence de deux Etats». Elle avait annoncé un accord israélo-palestinien, le premier sur le plan de désengagement, pour détruire les maisons des 8 000 colons évacués de Gaza. «S'il est réalisé avec succès, le retrait devrait améliorer la sécurité d'Israël et encourager la confiance entre Israéliens et Palestiniens qui espèrent un avenir meilleur», avait-elle jugé. Durant son entretien avec Ariel Sharon, elle s'était gardée de réclamer une nouvelle fois le démantèlement des colonies sauvages qu'Israël s'est engagé à évacuer dans le cadre de la feuille de route, le dernier plan de paix international resté lettre morte, laissant cette question en suspens jusqu'à ce que le plan de désengagement soit accompli.
Quelques heures après la fin de sa rencontre avec Ariel Sharon, le ministère israélien de l'Habitat a annoncé son intention de lancer des appels d'offres pour construire 700 logements supplémentaires dans deux colonies juives de Cisjordanie. Elle a modérément apprécié l'affront. «J'ai discuté de la question des colonies et du mur avec le premier ministre israélien, le ministre des Affaires étrangères et avec toute autre personne prête à écouter, a dit la secrétaire d'Etat dès son arrivée en Jordanie. Les Etats-Unis ont une politique très claire à ce sujet et nous ne nous attendons pas à voir des activités de la part des Israéliens qui pourraient affecter un accord sur le statut final.» «Nous ne voulons pas que les Israéliens essayent d'imposer une politique du fait accompli sur le terrain», avait-elle dit dans l'avion qui la menait au Proche-Orient.
Les nouveaux logements doivent être construits à Maalé Adoumim et Beitar Eilit, deux colonies situées dans la périphérie de Jérusalem-Est, dans la zone dite du Grand Jérusalem. L'Etat hébreu prolonge actuellement sa barrière de séparation en Cisjordanie afin de placer du côté israélien Maalé Adoumim et les colonies du Goush Etzion, en dépit des protestations internationales. «Le ministre (travailliste) Yitzhak Herzog a donné son feu vert à la construction car il y a un consensus en Israël pour garder ces deux implantations dans l'avenir», a indiqué le porte-parole du ministère.
Samedi, à Ramallah, Condoleezza Rice avait estimé que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avait pris «de bonnes mesures concrètes», ajoutant «que beaucoup plus devait être accompli pour combattre le chaos et le terrorisme». Hier matin, des militants palestiniens ont tué un soldat israélien et en ont blessé deux autres lors d'une attaque contre un poste militaire israélien dans le sud de la bande de Gaza. L'attaque à la roquette a été revendiquée par les Brigades d'Abou Riche, un groupe lié au Fatah mais largement autonome, et par le mouvement radical Djihad islamique. Ce nouvel accroc à la trêve respectée grosso modo par les activistes palestiniens depuis le mois de janvier agite de nouveau la menace d'un retrait israélien sous le feu. Condoleezza Rice a réaffirmé que son pays allait continuer de boycotter le mouvement islamiste radical Hamas, qu'elle a qualifié d'«organisation terroriste».

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