26.6.05

Un an de souveraineté en Irak: autant de violences, plus de divisions

[AFP dimanche 26 juin 2005 - 10h33]


BAGDAD (AFP) - Un an après le transfert de souveraineté par l'armée américaine en Irak, le pays reste le théâtre de nombreuses violences alors que les zizanies confessionnelle et ethnique s'y sont accentuées.
Seul signe d'optimisme, 8.5 millions d'Irakiens ont voté lors des élections historiques du 30 janvier et un processus politique semble être sur les rails. En outre, l'Irak n'est plus l'Etat paria qu'il fut les dix dernières années du régime de Saddam Hussein.
Bagdad entretient désormais des relations diplomatiques avec plus de 40 pays, dont les ennemis d'hier comme l'Iran et le Koweït, et la résolution 1546 de l'Onu a approuvé le transfert de souveraineté et donné une légitimité internationale à la présence des troupes étrangères.
"Les divisions sont plus prononcées qu'avant, la vie est dure et la situation sécuritaire a empiré", estime le vieux politicien sunnite Adnane Pachachi, candidat malheureux au poste de chef de l'Etat et dont la liste n'a obtenu aucun siège au dernier élection.
Pour M. Pachachi, les élections ont scindé les Irakiens entre chiites et Kurdes d'une part, qui ont massivement voté, et les Arabes sunnites de l'autre qui les ont boycottées et ont ainsi été marginalisés de la vie politique.
"Malheureusement, lors de la dernière élection, des considérations confessionnelles, religieuses et tribales l'ont emporté", dit-il.
Il estime toutefois que les désaccords peuvent être surmontés si les sunnites, qui doivent participer à la commission de rédaction de la Constitution, sont traités comme de réels partenaires et si les élections générales prévues en décembre sont ouvertes à tous.
Mais, l'année écoulée a connu une vague d'attaques meurtrières contre les chiites et une augmentation alarmante des règlements de compte entre chiites et sunnites. "J'enlève mon turban noir quand je quitte mon quartier", confie Hazem al-Araji, partisan du jeune chef chiite radical Moqtada Sadr.
Au moins 10.000 civils ont été tués dans des attaques depuis le transfert de pouvoir le 28 juin, selon un site indépendant britannique Iraq Body Count. "Nous sommes coincés entre le marteau et l'enclume: l'occupation et les radicaux sunnites", explique-t-il.
Araji, qui a été détenu durant neuf mois dans une prison dirigée par les américains en Irak, est convaincu que les Etats-unis, avec leurs 140.000 soldats et conseillers, diplomates et entrepreneurs, détiennent le réel pouvoir dans le pays.
Pour lui, le seul moyen de mettre un terme au cercle vicieux de violence est d'établir un calendrier de retrait des troupes étrangères -ce que le président américain George W Bush a une nouvelle fois exclu vendredi- et d'ouvrir un dialogue sérieux avec les groupes prêts à déposer leurs armes.
"Le problème est que contrairement aux groupes armés dans le monde, ceux en Irak n'ont pas de programme politique ou de dirigeants avec lesquels il est possible de discuter", estime pourtant Hamed al-Bayati, vice-ministre des Affaires Etrangères.
L'actuel Premier ministre Ibrahim al-Jaafari et son prédécesseur Iyad Allaoui ont évoqué l'ouverture d'un dialogue avec les groupes armés ayant renoncé à la violence, mais pour des analystes irakiens, cette offre n'a pas abouti en raison de la forte opposition des Américains.
Des bastions sunnites comme les provinces d'al-Anbar, Ninive ou Salaheddine, continuent d'être des champs de bataille en dépit de l'assaut contre la ville rebelle de Falloujah en novembre 2004.
M. Pachachi estime qu'il est trop tôt pour porter un jugement sur le gouvernement de Jaafari entré en fonction début mai, mais il a mis en garde contre "la chasse aux sorcières et les règlements de compte" qui peuvent conduire à plus de dissensions.
Beaucoup de membres du gouvernement de Jaafari, largement dominé par les chiites, évoquent avec insistance la nécessité de purger les institutions gouvernementales de tous les éléments liés à l'ancien régime qui auraient été apportés par M. Allaoui.
Un diplomate occidental a estimé sous couvert de l'anonymat que l'Irak était néanmoins sur la bonne voie. "Construire un pays est un long processus . Nous faisons des progrès et je suis assez optimiste".

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