21.6.05

Washington veut un élargissement limité du Conseil de sécurité

LE MONDE | 21.06.05 | 13h34  •  Mis à jour le 21.06.05 | 13h34
WASHINGTON de notre envoyée spéciale

Les Américains auront été les derniers à abattre leurs cartes. Alors que la réforme de l'ONU est en chantier depuis près de deux ans, et que les manoeuvres diplomatiques se sont accélérées à l'approche du sommet des chefs d'Etat en septembre, les Etats-Unis ont bousculé le jeu en affichant tout à coup, en fin de semaine dernière, leur préférence pour un élargissement du Conseil de sécurité "modeste" et limité.
La communauté internationale s'était habituée à réfléchir à un nouveau Conseil à 24 ou 25 membres (contre 15 aujourd'hui). L'administration Bush laissait dire. Jeudi 16 juin, le responsable des affaires politiques du département d'Etat, Nicholas Burns, a freiné les ardeurs en annonçant dans une conférence de presse que les Etats-Unis étaient partisans d'un Conseil à 19 ou 20 membres seulement, dont "deux environ" auraient le privilège d'être admis comme membres permanents. Washington estime qu'un conseil trop large perdrait en efficacité.
Les propositions américaines pour la réforme devaient être précisées mardi 21 juin à New York par l'ambassadrice Anne Patterson, lors d'une séance à huis clos de l'Assemblée générale de l'ONU. Les Etats-Unis sont favorables à l'entrée du Japon au Conseil comme membre permanent. L'autre devrait être un pays en développement. Ces nouveaux membres permanents n'auraient pas le droit de veto. Les Etats-Unis sont également favorables à l'idée d'ajouter deux ou trois pays aux membres non permanents; actuellement dix pays siègent au Conseil en cette qualité, pour deux ans. Parmi les critères de sélection des candidats, Washington souhaiterait inclure le respect de la démocratie et des droits de l'homme, une exigence qui n'est pas remplie par tous actuellement.

DOUCHE FROIDE POUR LE G4

L'initiative américaine fait l'effet d'une douche froide sur la candidature des quatre pays qui sont partis en campagne les premiers : Japon, Inde, Allemagne et Brésil. Ces pays ont décidé de faire cause commune pour augmenter leurs chances. Ils ont fait circuler, en mai, un texte de résolution qu'ils entendent soumettre au vote de l'Assemblée générale dès qu'ils penseront avoir les voix nécessaires (2/3 des voix des 190 membres, soit 128). La Chine a, la première, désapprouvé leur initiative, la jugeant "dangereuse" et "porteuse de divisions" . Pékin a formulé sa position par écrit, mais sans introduire de texte. Un groupe de puissances moyennes (Pakistan, Mexique, Italie) hostiles à l'entrée de leurs rivaux régionaux plaide aussi pour un report du vote en attendant le consensus, mais il n'a pas non plus de projet de rechange.
Les ministres des affaires étrangères du Groupe des quatre devaient se réunir, mardi à Bruxelles, en marge de la conférence sur l'Irak pour affiner leur stratégie. Pour attirer les soutiens, ils ont accepté de renoncer à "exercer" leur droit de veto pendant quinze ans s'ils entrent au Conseil. Il leur reste à déterminer si et quand ils demandent un vote.
Avec une cinquantaine de voix, le groupe Africain est en position d'arbitre. Le G 4 a pris soin de laisser deux places pour l'Afrique dans sa proposition d'élargissement à 25 mais le continent ne s'est pas encore décidé sur ses candidats. L'Afrique du Sud, qui a pris depuis longtemps des responsabilités régionales, devrait en faire partie. La deuxième candidature est plus compliquée. Le Nigeria est candidat. Mais l'Egypte n'a pas caché que si elle n'était pas désignée par le groupe africain, elle se présenterait individuellement au vote de l'Assemblée générale, en espérant bénéficier du soutien des Arabes. Dans une tribune publiée mardi dans Le Figaro, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, rappelle lui aussi la candidature de son pays, en estimant que les représentants africains ne devraient pas être tout deux anglophones.
Les Européens soulignent que la proposition de deux postes permanents est intéressante pour l'Afrique mais redoutent que certains préférent en rester au statu quo plutôt que de voir un rival en bénéficier. Les Africains ont demandé que le vote à New York soit reporté après le sommet de l'Union africaine prévu pour le 5 juillet en Libye.
Corine Lesnes
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Les menaces du Congrès

Le monde à l'envers ? L'administration Bush s'est retrouvée à défendre l'ONU, la semaine dernière, face au Congrès. Un projet de loi avait été introduit par le Républicain Henry Hyde à la Chambre des représentants visant à suspendre la moitié du paiement des cotisations des Etats-Unis à l'ONU (soit 220 millions de dollars) tant que l'organisation ne se soumettrait pas à une trentaine de réformes. Malgré l'hostilité de la Maison Blanche, 213 Républicains ont voté en faveur de ce texte qui a été adopté vendredi 17 juin. Pour entrer en vigueur, il faudrait qu'il le soit aussi par le Sénat, ce qui est loin d'être acquis. Le département d'Etat a estimé que cette mesure risquait de "saper la crédibilité des Etats-Unis" et de les empêcher de "jouer le rôle de premier plan qu'ils envisagent au niveau des réformes" . La méthode de réduction unilatérale des cotisations avait été appliquée sous Ronald Reagan mais Washington a dû finalement payer les arriérés dix ans plus tard. - (Corresp.)

Article paru dans l'édition du 22.06.05

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