18.7.05

Attentats : Blair réfute le lien avec l'Irak

GRANDE-BRETAGNE De nombreuses pièces manquent encore au puzzle de l'enquête sur les quatre explosions du 7 juillet à Londres

Dix jours après les attentats de Londres, Scotland Yard a formellement identifié ses quatre auteurs, mais de nombreuses pièces manquent encore au puzzle d'une enquête désormais internationale. La question la plus importante est de savoir qui était le «cerveau» de l'opération. L'enquête s'est notamment orientée vers le Pakistan, où trois des poseurs de bombes s'étaient rendus l'an dernier. Selon des hauts responsables de la sécurité pakistanaise, il est «possible» qu'ils aient eu des contacts avec un groupe dirigé par Abu Faraj al-Libbi, considéré comme le numéro trois du réseau d'al-Qaida jusqu'à sa capture en mai. Un cinquième homme, dont on ne sait rien, aurait été vu le matin des attentats à la gare de Luton, au nord de Londres. Un homme inscrit sur une liste des personnes dangereuses serait entré au Royaume-Uni deux semaines avant les attentats, via un port. Les quatre terroristes étaient-ils vraiment des kamikazes ? Deux journaux britanniques ont posé la question, lançant l'idée que les jeunes gens pourraient avoir été dupés et pensaient pouvoir s'éloigner avant l'explosion. Ils portaient les bombes dans des sacs à dos et non à même leur corps, contrairement à la pratique habituelle des auteurs des attentats suicides, ce qui laisse à penser qu'ils avaient l'intention de déposer leur bombe quelque part. Mais les enquêteurs n'ont découvert aucun système de minuterie, ce qui accrédite la thèse que les hommes ont déclenché eux-mêmes leur engin explosif. Par ailleurs, six personnes ont été arrêtées près de Leeds, au nord du pays, dans le cadre de la loi antiterroriste, mais ces arrestations «ne sont pas liées aux attentats de Londres», a précisé la police.

Londres : de notre correspondant Jacques Duplouich
[Le Figaro, 18 juillet 2005]

Le quadruple attentat sanglant du 7 juillet à Londres ? L'expression d'«une idéologie abjecte» qui, depuis douze ans, s'est manifestée aussi dans 26 pays à travers le monde. Aucun lien de cause à effet entre l'engagement des troupes britanniques en Irak et les attaques aveugles contre les voyageurs des transports publics. Tony Blair n'en démord pas : «Les meurtriers n'avaient pas besoin de l'Irak comme prétexte. La responsabilité des morts leur incombe, et à eux seuls.» Parce qu'ils cultivent le mal comme d'autres s'efforcent au bien, avec la même détermination. Le premier ministre a redit sa conviction, avec force, samedi, devant les délégués travaillistes du forum politique national du Labour.
S'il a cru ainsi devoir réaffirmer sa certitude, c'est qu'au sein même du Parti travailliste la frange la plus à gauche des militants en conteste ouvertement le bien-fondé. Clare Short, l'ancien ministre du Développement international démissionnaire en 2003 pour cause de désaccord sur la gestion de l'après-guerre de l'Irak, n'«a pas le moindre doute», elle, quant à la corrélation entre les deux événements.
Le gouvernement peut bien assurer que les attentats sont la conséquence «d'une malignité haineuse et que tout ce que nous faisons est bien», il n'en demeure pas moins, objecte Mrs Short, «que nous sommes impliqués dans le massacre d'un large nombre de civils en Irak et que nous soutenons, au Moyen-Orient, une politique perçue par les Palestiniens comme étant de deux poids deux mesures. Tout cela nourrit la colère», insiste-t-elle.
John McDonnell, député travailliste et critique implacable de Tony Blair, interpelle directement le premier ministre. «Ne nous dites pas que l'Irak n'a aucune part dans les attentats. Cette affirmation est, intellectuellement, insoutenable.» Aussi longtemps que l'armée du Royaume-Uni sera puissance occupante, «les sergents recruteurs du terrorisme pourront attirer davantage de jeunes dans leurs équipes de poseurs de bombes», explique-t-il. Le seul moyen d'éviter cette spirale prévisible de la violence aveugle, c'est «le retrait, immédiat» des soldats britanniques. D'après les déclarations, hier sur CNN, du ministre de la Défense, John Reid, ce retrait pourrait commencer «graduellement» au cours des douze prochains mois.
La contestation du point de vue officiel dépasse le Labour. Charles Kennedy, chef de file des libéraux démocrates, estime que, sans lier directement les événements d'Irak et les attentats, il est impossible d'exclure l'incidence des uns sur les autres. C'est aussi l'avis d'Alex Salmond, le chef du Scottish National Party, le parti indépendantiste écossais.
Mais Tony Blair refuse catégoriquement ce rapprochement : «Si c'est l'Irak qui motive les assassins (au Royaume-Uni), pourquoi leur idéologie tue-t-elle des Irakiens comme un défi à un gouvernement irakien élu (démocratiquement) ?», interroge-t-il. «Et si les attentats du 11 septembre 2001 étaient des représailles, quelle en était la cause ?», insiste le premier ministre.
Les conservateurs sont sur la même ligne. Al-Qaida regroupe et inspire «des terroristes qui haïssent l'Occident et sa manière de vivre. Même quand les Américains et les Britanniques auront quitté l'Irak, nous resterons exposés à leur menace», déclare Liam Fox, «ministre» des Affaires étrangères du cabinet fantôme.
Quoiqu'il s'appesantisse sur la perversion d'assassins diaboliques prêts à tout, Tony Blair reconnaît que le «mal» qui les anime répond à une logique. «Leur plan joue sur notre tolérance et notre bonne nature. Il exploite une tendance à la culpabilité du monde développé» et la conviction que, «si nous changions d'attitude, ils changeraient aussi la leur», dit-il. Abonder dans leur sens serait «une incompréhension catastrophique». Pas question, donc, de céder à la violence ou de négocier quoi que ce soit.
Un point de vue largement partagé. Seuls quelques commentateurs font remarquer qu'al-Qaida fonde sa politique de la terreur à partir d'exigences concrètes : retrait des troupes américaines et occidentales des pays arabes et musulmans, la fin du soutien aux oligarques pétroliers et de l'«occupation israélienne des territoires palestiniens». La haine de l'Occident ? «Si c'est cela, pourquoi ne frappons-nous pas la Suède ?», ironisait Oussama Ben Laden dans une cassette vidéo diffusée quelques jours avant les élections américaines, rappelle le quotidien The Guardian.
L'Irak, quelque peu oublié depuis la victoire électorale de Tony Blair aux élections législatives du 5 mai dernier, redevient un thème d'actualité de la politique intérieure britannique.

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